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Montlhéry, cité millénaire.
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LA TOUR DE MONTLHÉRY Par Auguste VILLIERS (IV)

Résumé des chapitres précédents : André Pichot est venu demander la main de sa cousine Rose à son oncle Sainfoin. Pour consentir à l'épouser, la belle lui lance le défi de retrouver le puits de la Tour de Montlhéry ... André s'exécute et avec un groupe d'amis il entreprend de vastes terrassements sur le plateau de la Tour. Après plusieurs jours de labeur, le puits est mis à jour. Mais lorsqu'il réitère sa demande en mariage, Rose lui demande encore en condition préalable de se présenter à la députation. Fort de sa toute nouvelle popularité, il s'exécute à nouveau mais reçoit un camouflet. Dépité, en revenant de la mairie, il découvre sur le panneau la publication des bans du mariage de Rose avec son rival Charles...

IV

C'était jour de fête à la petite ville de Montlhéry, on était arrivé le lundi de la Pentecôte, les paysannes endimanchées passaient joyeuses sur la grande place en revenant de la messe; midi venait de sonner à l'église, lorsqu'une noce, violon en tête, monta la rue de la Chapelle pour se rendre à la mairie. Après le violoneux venait le père Sainfoin donnant le bras à sa fille, rose et fraîche sous son voile blanc, et costume de mariée, heureuse comme on l'est ce jour-là quand on est jeune et jolie, que l'on aime et que l'on va bientôt nommer son mari.

Toute la noce se dirigea du coté indiquéDerrière eux venaient le marié et sa mère, puis les garçons et les filles d'honneur, puis enfin les parents et invités. Tous étaient un peu gais, car chacun avait fêté un peu le vin du pays, qui vaut mieux dix fois que celui de Suresnes ou d'Argenteuil, d'ancienne mémoire.

Mais entre tous on se montrait un garçon d'honneur qui riait, dansait et chantait, sur le ton d'une agilité folle, si bien que les oisifs accourus pour voir la noce le montraient du doigt en disant :

- Voyez donc ce Pichot, qui a tout fait pour obtenir la main de sa cousine, il est le premier à s'amuser et à féliciter son rival de son bonheur.

- C'est qu'il ne l'aimait pas véritablement, répondit l'un.

- Ou qu'en garçon sage, il a vu que la belle ne voulait pas de lui et qu'elle se moquait de son amour ... il l'a pris du bon coté, et il a bien fait, reprenait un autre.

C'était André Pichot, en effet, qui, comme étourdi, courait de l'un à l'autre, parlant à tous et jouant avec tous.

De la mairie on alla à l'église. Quand la cérémonie fut achevée, on rentra chez père Sainfoin qui offrit une collation en attendant le dîner.

Le repas fut gai, il fut dit beaucoup de bêtises et bu beaucoup de vin. Puis il fut décidé qu'on irait faire une danse au pied de la tour, en se promenant.

Toute la noce se dirigea du coté indiqué.

Dix minutes après chacun était en valse et allait plus ou moins en cadence, guidé par le mauvais violon.

A la deuxième danse Pichot, qui gambadait plus fort que les autres, dansait avec la mariée; lorsque la jarretière de celle-ci fut tombée, elle s'approcha du puits découvert par Pichot, mit le pied sur le rebord en maçonnerie qui entourait l'embouchure pour relever son bas.

André l'avait aussitôt suivie.

- Que viens-tu faire là ? lui dit Rose. Va donc en place, je vais te rejoindre.

- Un instant, dit André, qui était devenu sérieux tout à coup, je voulais te faire admirer le puits que j'ai découvert pour toi, te souviens-tu Rose,… Oh je t'aimais bien va...

- Un enfantillage de ma part, dont tu m'avais promis de ne plus parler, dit la jeune femme mal à l'aise sous le regard doux et triste de son cousin : pardonne-moi, ajouta-t-elle car j'aimais Charles.

- Oui, dit Pichot, tu l'aimais; c'est pour cela que tu m'as torturé le coeur imprudente fille, comme si le dédain ne tuait pas... Mais regarde donc, fit-il en montrant le fond du puits, il me semble apercevoir une sonde que j'ai laissé tomber un jour en travaillant. Et se pencha sur l'ouverture.

- André, dit Rose, ne te penche pas ainsi sur le trou, tu pourrais tomber.

- Qu'importe, dit Pichot tout est mort pour moi; maintenant, la joie ou la douleur ne peuvent m'atteindre... A propos, Rose, je suis garçon et orphelin; si toutefois il m'arrivait malheur, j'ai déposé mes volontés chez le notaire en faveur des enfants que tu auras avec Charles.

Et il s'avança encore au-dessus du puits.

- Mais, prend garde donc répéta Rose effrayée, et vient danser, cela chassera tes idées noires; d'ailleurs Charles doit me chercher.

- C'est juste dit Pichot, je ne dois pas le priver de sa chère Rose... puisses-tu être heureuse avec lui, ajouta-t-il avec un gros soupir... comme j'aurais voulu que tu fusses avec moi !... puisse-t-il ne pas te faire sentir les horribles douleurs que tu m'as causées, Rose; heureusement encore que j'ai un puits, qui est mon oeuvre, mon trésor, et qui me consolera de mes maux. On dirait que lu l'as fait découvrir avec intention; il n'aura pas été fait pour rien.

- Que veux-tu dire, fit la jeune mariée palissant à une idée qui envahissait son esprit malgré elle.

- Rose, Rose... crièrent quelques voix joyeuses qui venaient à la recherche des jeunes gens… ah! les voilà !

- Nous voici, dit-elle, en cherchant à entraîner son cousin.

- Décidément, fit celui-ci en se penchant de plus en plus sur l'abîme, je vois ma sonde... et je vais la chercher... adieu !

Et avant que Rose eut compris ce qu'il voulait, il s'était précipité dans le puits.

La jeune fille resta quelques secondes immobile et muette de terreur, durant lesquelles le malheureux Pichot descendit, lourdement, l'espace énorme qui le séparait de l'eau.

Un bruit mat, comme le corps d'un homme qui tombe se fit entendre au fond du puits.

Ce bruit sembla tirer la mariée de sa torpeur, elle fit deux pas en avant et poussa un terrible cri et tomba à la renverse.

Son père, son mari et toute la noce accoururent; en un instant les soins les plus vifs lui furent prodigués et la ramenèrent à la vie.

Mais hélas elle était folle.

Si vous allez, cher lecteur; quelque jour à Montlhéry, et que la pauvre Rose ne soit pas morte, vous la verrez jeune encore, les cheveux en désordre, les yeux égarés, gravir péniblement le plateau escarpé de la tour. Elle s'arrêtera tout à coup et vous dira :

- Entendez-vous... c'est le corps d'André qui vient de toucher le fond. Puis elle partira d'un éclat de rire et s'enfuira.

Quant au puits, aussitôt le malheur, on ferma l'ouverture par une trappe avec un cadenas, et si vous voulez voir l'intérieur, le père Samuel, le gardien de la tour vous le montrera pour un sou.

FIN
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Chapitre III

Source : ADE - JAL 141/1 ECHO ARPAJONNAIS - Nouvelle publiée à partir du 21 sept. 1890 sur 3 numéros.

Lorsque l'on étudie l'histoire d'une localité, il est important d'en explorer tous les aspects, même ceux qui nous paraissent anodins comme cette courte nouvelle, ils font aussi quoiqu'en pensent les esprits chagrins partie de notre patrimoine culturel.

La Tour de Nesle a son auteur Alexandre DUMAS, la tour de Montlhéry a aussi le sien en la personne d'Auguste VILLIERS, le moins que l'on puisse dire c'est que la nouvelle publiée dans l'ECHO ARPAJONNAIS est du " grand art " en ayant bien soin de définir le mot art. Ce court texte, que nous avons découvert aux Archives Départementales de l'Essonne, est une image assez fidèle de ce que les feuilletonistes du siècle dernier écrivaient pour la presse. Il faut noter qu'à cette époque tout journal qui se respectait publiait son feuilleton. Celui que nous soumettons à votre perspicacité en est un exemple que nous pouvons qualifier de typique. En effet, nous trouvons un semblant de traîne historique, une intrigue amoureuse, et en prime une fin mélodramatique telle que l'appréciaient nos grands-mères.

Nous n'irons pas jusqu'à dénigrer ce type de littérature populaire. Nous nous en amuserons simplement. Nous espérons que vous avez comme nous savouré ce petit morceau de prose en le replaçant dans le contexte de l'époque de sa publication, à savoir la fin du XIXème siècle.

J. PEYRAFITTE

 

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Dernière mise à jour : 27.03.02 15:20