Paul FORT, poète français (Reims 1872 - Montlhéry 1960)
Paul Fort est né à Reims, tout près de la cathédrale, 1 Rue du
clou dans le fer, le 1er février 1872.
A dix-sept ans, Paul Fort fonde le théâtre d'Art (qui deviendra
celui de l'Œeuvre), essentiellement poétique et symboliste, qui
s'oppose tumultueusement au Théâtre-Libre d'Antoine; on y joue Marlowe,
Maeterlinck, Mallarmé, Verlaine, etc.
En 1897, paraît au Mercure de France, le premier volume de ses
Ballades françaises. S'inspirant de l'histoire de la France, de
ses héros, de ses légendes, et reprenant les thèmes éternels de
la poésie, Paul Fort a trouvé un ton et une forme (la strophe où
la prose se mêle aux vers sans distinction typographique) qu'il
exploite avec une émouvante continuité dans cinquante-quatre volumes.
Certains poèmes sont devenus célèbres à juste titre, telle La
Ronde autour du monde. Son style imagé, souvent familier, se
prête bien à la chanson (Le Petit Cheval dans
le mauvais temps, par exemple, interprété par Brassens).
En
1905, il crée la revue Vers et Prose qu'il dirige avec Paul VALÉRY:
des œuvres des écrivains les plus importants de l'époque (Laforgue,
Jarry, Apollinaire, Carco, Gide, Claudel, etc.) y paraîtront jusqu'en
1914. Il contribue à "lancer" Montparnasse et reçoit le
titre de Prince des Poètes en 1912. Son goût pour l'histoire se
prête bien au théâtre : ses pièces se regroupent sous le titre Chroniques
de France (Louis Xl, curieux homme, 1922; Ysabeau, 1924).
Sa simplicité, son enthousiasme, sa gaieté (il avait un goût prononcé
pour le calembour) restent liés à sa silhouette célèbre. Héritier
de Villon et de Charles d'Orléans, ce poète est trop en dehors de
son époque pour avoir pu l'influencer. " Paul Fort est notre
dernier trouvère " (P. Béarn). Il s'en est allé le 20 avril
1960 en son domaine d'Argenlieu.
Vous pouvez retrouver l'univers de Paul Fort à Montlhéry dans l'excellent
ouvrage d'Antoine Antonakis et François Fort "Le poète est
dans le pré" paru aux éditions Soleil Natal.
La Ronde autour du monde
Si toutes les filles du monde voulaient s' donner la
main,
tout autour de la mer, elles pourraient faire une ronde.
Si tous les gars du monde voulaient bien êtr' marins,
ils f'raient avec leurs barques un joli pont sur l'onde.
Alors on pourrait faire une ronde autour du monde,
autour du monde,
si tous les gars du monde voulaient s' donner la main.
Paroles
de chansons de Georges Brassens d'après
des poèmes de Paul Fort
Le petit cheval est extrait du recueil Morcef
(titre original : Complainte du petit cheval blanc). La chanson
fut enregistrée le 14 mai 1952 pour le 78t Polydor 560399 puis pour
les 25 cm n°1 Polydor et Philips. Un autre enregistrement eut lieu
le 18 janvier 1955 et le 8 avril 1955 pour le 45t hommage à Paul
Fort.
Le p'tit ch'val dans le mauvais temps
Qu'il avait donc du courage!
C'était un petit cheval blanc
Tous derrière, tous derrière
C'était un petit cheval blanc
Tous derrière et lui devant!
Il n'y avait jamais d' beau temps
Dans ce pauvre paysage!
Il n'y avait jamais d' printemps
Ni derrière, ni derrière,
Il n'y avait jamais d' printemps
Ni derrière ni devant!
Mais toujours il était content
Menant les gars du village
A travers la pluie noire des champs
Tous derrière, tous derrière
A travers la pluie noire des champs
Tous derrière et lui devant!
Sa voiture allait poursuivant
Sa bell' petit' queue sauvage
C'est alors qu'il était content
Tous derrière, tous derrière
C'est alors qu'il était content
Tous derrière et lui devant!
Mais un jour dans le mauvais temps,
Un jour qu'il était sage
Il est mort par un éclair blanc
Tous derrière, tous derrière
Il est mort par un éclair blanc
Tous derrière et lui devant!
Il est mort sans voir le beau temps
Qu'il avait donc du courage!
Il est mort sans voir le printemps
Ni derrière, ni derrière
Il est mort sans voir le printemps
Ni derrière, ni devant!
La marine
On les r'trouve en raccourci
Dans nos p'tits amours d'un jour,
Tout's les joies, tous les soucis,
Des amours qui dur'nt toujours
C'est là l'sort de la marine
Et de tout's nos petit's chéries.
On accoste, vite un bec,
Pour nos baisers, l'corps avec!
Et les joies et les bouderies,
Les fâcheries, les bons retours,
On les r'trouve en raccourci
Dans nos p'tits amours d'un jour.
On a ri, on s'est baisé,
sur les neunœils, sur les nénés,
Dans les ch'veux à pleins bécots
Pondus comm' des œufs, tout chauds!
Tout c'qu'on fait dans un seul jour
Et comme on allonge le temps,
Plus d'trois fois dans un seul jour,
Content, pas content, content!
Y a dans la chambre une odeur
D'amour tendre et de goudron.
Ca vous met la joies dans le cœur
La peine aussi et c'est bon.
On n'est pas la pour causer,
Mais on pens' mêm' dans l'amour
On pens' que d'main y f'ra jour
Et qu'c'est un' calamité.
C'est là l'sort de la marine,
Et de tout's nos petit's chéries,
On accost' mais on devine
Qu'ça s'ra pas le paradis!
On aura beau s'dépécher
Fair' bon dieu, la pige au temps,
Et l'bourrer d'tous nos pêchés
Ca n's'ra pas ça et pourtant...
Tout's les joies, tous les soucis,
Des amours qui dur'nt toujours,
On les r'trouvent en raccourci
Dans nos p'tits amours d'un jour.
L'Enterrement de Verlaine
Le revois-tu mon âme, ce Boul' Mich' d'autrefois
Et dont le plus beau jour fut un jour de beau froid :
Dieu : s'ouvrit-il jamais une voie aussi pure
Au convoi d'un grand mort suivi de miniatures ?
Tous les grognards - petits - de Verlaine étaient là,
Toussotant, Frissonnant, Glissant sur le verglas,
Mais qui suivaient ce mort et la désespérance,
Morte enfin, du Premier Rossignol de la France.
Ou plutôt du second (François de Montcorbier,
Voici belle lurette en fut le vrai premier)
N'importe ! Lélian, je vous suivrai toujours !
Premier ? Second ? vous seul. En ce plus froid des jours.
N'importe ! Je suivrai toujours, l'âme enivrée
Ah ! Folle d'une espérance désespérée
Montesquiou-Fezensac et Bibi-la-Purée
Vos deux gardes du corps, - entre tous moi dernier.
Germaine Tourangelle
Cette gerbe est pour vous Manon des jours heureux,
Pour vous cette autre, eh ! oui, Jeanne des soirs troublants.
Plus souple vers l'azur et déchiré des Sylphes,
Voilà tout un bouquet de roses pour Thérèse.
Où donc est-il son fin petit nez qui renifle ?
Au paradis ? eh ! non, cendre au Père-Lachaise.
Plus haut, cet arbre d'eau qui rechute pleureur,
En saule d'Orphélie, est pour vous, Amélie.
Et pour vous ma douceur, ma douleur, ma folie !
Germaine Tourangelle, ô vous la plus jolie.
Le fluide arc-en-ciel s'égrenant sur mon coeur.
A Mireille dit " Petit Verglas "
Ne tremblez pas, mais je dois le dire elle fut assassinée
au couteau par un fichu mauvais garçon, dans sa chambre, là-bas
derrière le Panthéon, rue Descartes, où mourut Paul Verlaine.
O ! oui, je l'ai bien aimée ma petite " Petit Verglas
" à moi si bonne et si douce et si triste. Pourquoi sa tristesse
? Je ne l'avais pas deviné, je ne pouvais pas le deviner.
Non, je l'ai su après tu me l'avais caché que ton père était
mort sur l'échafaud, Petit Verglas ! J'aurais bien dû le comprendre
à tes sourires.
J'aurais dû le deviner à tes petits yeux, battus de sang,
à ton bleu regard indéfinissable, papillotant et plein de retenue.
Et moi qui avais toujours l'air de te dire " Mademoiselle,
voulez-vous partager ma statue ? " Ah ! J'aurais dû comprendre
à tes sourires, tes yeux bleus battus et plein de retenue.
Et je t'appelais comme ça, le Petit Verglas, que c'est bête
un poète ! O petite chair transie ! Moi, je l'ai su après que ton
père était mort ainsi... Pardonne-moi, Petit Verglas. Volez, les
anges !
Si le Bon Dieu l'avait voulu
Si le Bon Dieu l'avait voulu
- lanturette, lanturlu, -
j'aurais connu la Cléopâtre,
et je t'aurais pas connue.
J'aurais connu la Cléopâtre,
et je ne t'aurais pas connue.
Sans ton amour que j'idolâtre,
las ! que fussé-je devenu ?
Si le Bon Dieu l'avait voulu,
j'aurais connu la Messaline,
Agnès, Odette et Mélusine,
et je ne t'aurais pas connue.
J'aurais connu la Pompadour,
Noémi, Sarah, Rebecca,
la Fille du Royal Tambour,
et la Mogador et Clara.
Mais le Bon Dieu n'a pas voulu
que je connaisse leurs amours,
je t'ai connue, tu m'as connu
- gloire à Dieu au plus haut des nues !
- Las ! que fussé-je devenu
sans toi la nuit, sans toi le jour ?
Je t'ai connue, tu m'as connu
- gloire à Dieu au plus haut des nues !
Comme hier
Hé! donne moi ta bouche, hé! ma jolie fraise!
L'aube à mis des frais's plein notr' horizon
Garde tes dindons, moi mes porc, Thérèse
Ne r'pouss' pas du pied mes petits cochons.
Va, comme hier! comme hier! comme hier!
Si tu n' m'aimes point, c'est moi qui t'aim'rons
L'un tient le couteau, l'autre la cuiller:
La vie c'est toujours les mêmes chansons.
Pour sauter le gros sourceau d'pierre en pierre,
Comme tous les jours mes bras t'enlèv'ront
Nos dindes, nos truies nous suivront légères
Ne r'pousse pas du pied mes petits cochons.
Va, comme hier! comme hier! comme hier!
Si tu n' m'aimes point, c'est moi qui t'aim'rons
La vie c'est toujours amour et misère
La vie c'est toujours les mêmes chansons.
J'ai tant de respect pour ton cœur Thérèse,
Et pour tes dindons. Quand nous nous aimons
Quand nous nous fâchons, hé! ma jolie fraise
Ne r'pousse pas du pied mes petits cochons.
Va, comme hier! comme hier! comme hier!
Si tu n' m'aimes point, c'est moi qui t'aim'rons
L'un tient le couteau, l'autre la cuiller:
La vie c'est toujours les mêmes chansons.
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