Le château de Montlhéry (4)
SOMMAIRE
3. ETUDE ARCHITECTURALE
3.1. Présentation du plan
Le monument occupe un éperon dont le relief naturel a été aménagé
pour l'implantation du château. Il faut savoir que cette éminence
est la plus haute de la région. De grands fossoiements ont été effectués
pour la défense de celui-ci. De la forteresse, reste bien conservée
la tour-maîtresse. Les autres tours, comme les courtines, ont été
démantelées jusqu'au niveau du sol intérieur de la cour, de telle
sorte qu'elles demeurent sur une hauteur de 2 à 3 mètres en tant
que mur de soutènement au Nord et au Sud, alors qu'à l'Est elles
émergent à peine. Seule la tour de l'angle Nord a conservé une élévation
suffisante pour témoigner de l'état ancien. Subsistent, aussi, les
ruines des murs de la chapelle Saint-Louis située à l'extérieur
de l'enceinte castrale, et, englobée autrefois dans une première
terrasse dont ne subsiste aucun reste visible.
L'ensemble se présente sous la forme d'un pentagone. Ce pentagone
résulte de la juxtaposition d'un quadrilatère de 26 à 30 m de largeur
par 35 m de longueur, et d'un triangle isocèle. La tour-maîtresse,
située à l'angle sud-ouest et au sommet du triangle isocèle, est
disposée en saillie par rapport à l'enceinte. Du haut de cette tour,
il est possible de surveiller la région sur 360°. Ainsi le château
affirme symboliquement sa vocation de commandement. La forteresse
possédait quatre tours circulaires qui délimitent la partie rectangulaire
de l'enceinte. Deux encadrent la porte d'entrée, aménagée dans la
courtine sud-est au travers d'une tour-porte rectangulaire, dans
un but de protection du passage. Cette porte ouvrait sur un pont-levis
enjambant le fossé sec taillé dans le rocher. Ainsi le château était-il
isolé du plateau.
A l'intérieur de l'enceinte castrale demeurent les substructions
d'un grand bâtiment qui flanquait la courtine Nord et qui était
divisé en deux grandes salles par une cloison perpendiculaire dans
l'axe de l'édifice. De l'autre côté, la courtine Sud servait d'appui
à une galerie à arcades qui abritait le puits. Cette galerie est
attestée par une gravure et par les textes. Entre ces deux bâtiments,
à l'opposé de la porte-châtelet se trouve l'entrée d'une cave maçonnée.
3.2 L'enceinte
3.2.1. Les courtines
La fondation de la courtine repose par endroits sur des blocs de
grès. Ce mode de construction est signe de robustesse, car la courtine
ne risque pas de s'écrouler comme en terrain instable.
Les courtines épousent un plan régulier malgré le relief accidenté.
Ce plan pentagonal régulier marque, sans doute, un schéma prévu
à l'avance. Cette utilisation d'un plan polygonal régulier peut
donner une indication chronologique. Ainsi pour Jean Mesqui (1991,
41-44), la réapparition des plans réguliers pour les enceintes est
à placer dans la décennie 1170 avec l'exemple du château de Druye-les-Belles-Fontaines
par la famille de Courtenay. Mais ceux sont surtout les ingénieurs
de Philippe II Auguste qui généralisèrent ce concept dans les constructions
de forteresses royales dés 1190.
Comme il a été dit précédemment, les courtines ont été démantelées
jusqu'au niveau du sol intérieur de la cour, de telle sorte qu'elles
demeurent sur une hauteur de 2 à 3 mètres en tant que mur de soutènement
au Nord et au Sud, alors qu'à l'Est elles émergent à peine. Les
courtines Sud et celles entourant la tour maîtresse ont la même
épaisseur de 2,3 mètres, mais par contre la courtine Nord à une
épaisseur de 2,9 mètres au niveau de la cour intérieure et de 1
mètre à son hauteur maximale conservée. Il est impossible avec les
connaissances actuelles d'en tirer une conclusion. Elles étaient
assez larges pour permettre une circulation optimale pour deux hommes,
au sommet de celles-ci, en cas de siège, excepté pour la courtine
Nord. Aucune source graphique ou manuscrite n'indique l'aménagement
du chemin de ronde. Il est ainsi impossible de savoir si les courtines
étaient équipées de hourds. Il est seulement possible de déterminer
leurs hauteurs, en la mesurant grâce aux traces laissées par ce
dernier sur l'appareil de la tour-maîtresse, au niveau de l'intersection
du donjon et de la courtine sud-ouest. De plus, au second niveau
de la tour principale, une porte d'accès s'ouvre sur le chemin de
ronde de la courtine Nord-Ouest . A ces deux endroits, la courtine
a une hauteur de huit mètres depuis le fossé extérieur. Selon A.
Salamagne, une élévation voisine ou supérieure à 8 mètres était
une hauteur qu'ont estimait suffisante pour en empêcher toute escalade.
Le chemin de ronde de la courtine Nord, s'il a existé, devait déborder
intérieurement sur l'épaisseur de la courtine.
Les courtines, malgré leurs délabrements, ont toutes un talus de
base. Elles prennent appui directement sur le fond du fossé, c'est
à dire sur le banc de roche gréseuse. Comme l'a dit Jean Mesqui,
le talus de base a une fonction aussi bien constructive que défensive.
Constructive, car le talus épaississant la base renforce la stabilité
de la courtine, et défensive car l'épaisseur accrue de la courtine
décourage les travaux de sape et de mine.
3.2.3. Les tours
Quatre tours circulaires à pan coupés sont disposées aux angles
entre les courtines rectiligne. Mais ces tours, qui délimitent la
partie rectangulaire de l'enceinte, ont été arasées au niveau du
sol de la cour intérieur, exceptée la tour Nord qui a conservé une
élévation suffisante pour témoigner de l'état général.
Comme les quatre tours ont toutes un diamètre extérieur d'environ
7,5 mètres, il est simple de penser qu'elles sont toutes bâties
sur le même modèle. Ceci n'est pas une certitude, car au XIXe siècle,
une fouille a révélé la présence d'un niveau souterrain dans la
tour nord-est qui encadre la porte d'accès de l'enceinte. Depuis,
aucune fouille n'a été effectuée sur les autres tours pour trouver
un éventuel niveau souterrain.
Autre fait intéressant, cette tour est aussi dite "la tourelle
penchée". Elle doit son surnom à son inclinaison très marquée.
Deux hypothèses tentent d'expliquer ce fait : un tassement déséquilibré
de la construction provenant d'un affaissement de terrain ou à un
travail de sape durant un des douze sièges de Montlhéry. La théorie
de la sape est à exclure ; si c'était le cas, seul un pan de mur
se serait écroulé ou la tour entière ! La première explication semble
la plus logique. Une des gravures réalisées par Chastillon montre
la tour penchée au début du dix-septième siècle. Celle ci n'est
plus solidaire des courtines qui la rejoignaient à l'origine. Son
penchement est peut-être due au démantèlement partiel du château
en 1591. Actuellement la tour est reliée aux courtines, il ne fait
aucun doute que cette partie de la forteresse a été restaurée.
La tour Nord est édifiée au dessus d'un talus tronconique en pierre
de grès. Elle présente deux niveaux bâtis en belle pierre de grès
de moyen appareil. Le niveau inférieur était voûté. Actuellement,
on aperçoit des vestiges de cette voûte qui était sur croisée d'ogives.
Deux archères à ébrasement triangulaire, embrasure interne rectangulaire,
surmontées d'un linteau et d'un arc de décharge et à fente simple,
défendaient ce niveau inférieur. Au niveau supérieur, il s'en trouvait
deux autres décalées, afin d'éviter les chevauchements. On ne connaît
pas la hauteur des tours, mais celles-ci devaient surplomber les
courtines afin de les commander.
Il y a de grandes probabilités pour que les autres tours aient
possédé le même système défensif. Ainsi, les fossés et la base des
courtines pouvaient être pris en enfilade depuis les archères des
tours. La portée d'une flèche où d'un carreau d'arbalète est largement
supérieure à la plus grande longueur des courtines qui est de 22,5
mètres.
Ces quatre tours ont toutes la même épaisseur de mur, soit 2 mètres.
Ce chiffre est une source d'information. Selon A. Salamagne, l'épaisseur
des tours de flanquement se situent dans les 2 mètres jusqu'à la
fin du XVe siècle. Après, l'épaisseur augmenta pour résister à l'artillerie
à poudre. On peut en déduire pour Montlhéry, que ces tours ont été
édifiées avant que l'artillerie à poudre deviennent une menace sérieuse
pour les fortifications.
Le flanquement par tours circulaires, percées d'archères et dotées
de talus externes rendant plus difficile la sape, le voûtement systématique
des salles des tours pour offrir une meilleur cohésion de la maçonnerie
et une meilleure résistance au feu, sont des caractéristiques de
la fortification Philippienne pour J. Mesqui. L'analyse de Jean
Mesqui permet de répondre à des questions sur l'équipement et la
fonction de la tour. Toutes les tours Philippiennes commandent les
courtines les avoisinant. C'est-à-dire qu'elles les dominent d'un
seul niveau. Les communications entre niveaux sont totalement absentes
par manque de conservation ce qui ne nous permet pas de conclure.
Mais il est possible d'imaginer qu'elle pouvait-être sa couverture.
Selon A. Salamagne :"les sommets des tours furent généralement
couverts de combles" , tel pouvait être le cas à Montlhéry.
Enfin, les tours de flanquement Philippiennes sont exclusivement
réservées à l'usage défensif .
3.2.4. Les accès
Il s'agit ici de traiter les moyens d'accès aux courtines, mais
aussi les portes qui s'ouvrent dans le rempart et qui permettent
de pénétrer à l'intérieur du château.
Il n'y a aucune trace visible d'escaliers desservant les courtines
depuis les tours de flanquement ou la cour intérieure, à cause du
démantèlement important du château. Il est difficile d'avancer une
hypothèse sur les accès au chemin de ronde. Pour Jean Mesqui : "Il
n'existe pas de norme bien établie en cette matière ; la variété
est énorme, et ne paraît pas s'organiser en strates temporelles
ou régionales".
Sur le site de la forteresse de Montlhéry, il ne reste que les
ruines d'une seule porte d'entrée constituée par un massif de maçonnerie
en saillie sur la façade orientale, flanqué par les deux tours de
la courtine Est. Seul le côté Est, débouchant sur le plateau, peut
servir d'accès au château, car les autres côtés donnent sur des
pentes abruptes et impraticables.
On aperçoit seulement les rainures d'engagement de la herse. Mais
deux documents subsistent pour avoir une idée de la forme entière
de la porte. Le plus ancien est un extrait du procès-verbal dressé
le 23 mars 1547 par les experts royaux pour déterminer les réparations
nécessaires à effectuer au château de Montlhéry. Il dit : "
L'entrée constitue un véritable châtelet ou l'on pénètre par une
porte en ogive dont les chambranles et les claveaux sont en grand
appareil, la porte d'entrée dudict château... avec... voûtes pour
le logis de ladicte porte " .
Le second document est une gravure de Claude Chastillon, effectuée
vers 1600, représentant le château de Montlhéry. Le dessin confirme
le procès-verbal par la présence du logis au-dessus de la voûte.
D'après, cette source, il semble que la porte d'entrée avait quatre
niveaux : Le premier, celui de la porte, le deuxième le logis, le
troisième matérialisé par la présence d'ouvertures et le quatrième
correspondant à la plate forme sommitale.
En observant l'emplacement des rainures de la herse, il est opportun
de dire que la fortification de l'entrée appartient au schéma Assommoir-Herse-Vantaux
: l'assommoir se trouvant en dehors de l'intervalle restreint délimité
par la herse et les vantaux. Ce schéma se développe au début du
XIIIe siècle. Ce type de porte fortifiée, flanquée par deux tours
circulaires, fut une constante dès la fin du XIIe siècle à compter
du temps où Philippe Auguste imposa son schéma aux fortifications
royales. Certains châteaux, non-construits par les ingénieurs de
Philippe Auguste, possèdent un châtelet à deux tours de plan curviligne
dès la fin du XIIe siècle, eux aussi. Cet emploi s'explique par
un désir de renforcer le point le plus faible de l'enceinte. Lors
d'un siège, une porte doit être bien défendue. La porte joue aussi
un rôle de prestige. En la franchissant, on rentre dans le domaine
où siège l'autorité et la force seigneuriale.
3.2.5. Analyse de l'appareillage
Pour des raisons de comparaisons éventuelles avec d'autres forteresses,
il a été mis au point un système de relevé le plus complet possible.
Il a donc été procédé :
|
au relevé de
la totalité des courtines ( parements intérieurs et extérieurs)
et des tours de flanquements |
|
au relevé des
différents types flagrants d'appareillages, ainsi que leurs
variations (petit, moyen ou grand appareil, type de matériaux
utilisés,...) |
|
au relevé des
zones particulières à l'intérieur d'un même type d'appareil
(assises périodiques, chaînage, ressauts....) |
Ces relevés ont été effectués par mailles de deux mètres carrées
de superficie et ont été réalisés à la base des murs, car ceux-ci
présentent parfois quelques différences dans leurs élévations. Ce
maillage de taille restreinte s'est avéré suffisant pour donner
une idée de l'ensemble de l'appareil de la construction quand celui-ci
était homogène.
L'appareillage est un outil très délicat à manier. Il n'est pas
question ici de proposer une datation à partir de celui-ci. Ces
relevés ont pour principal but de vérifier si l'appareillage du
château de Montlhéry est homogène ou hétérogène en observant les
différences morphologiques des constructions et des matériaux utilisés.
Mais fautes de textes relatant la construction de la forteresse
de Montlhéry et de corpus d'appareil. Il est impossible de dire
si telle partie du château-fort a été construite avant telle autre
partie, car, plusieurs équipes avec des méthodes de constructions
différentes pouvaient travailler simultanément à des endroits différents
de l'édifice. Si l'appareil de Montlhéry se révèle hétérogène, aucune
conclusion ne pourra être tirée sur la chronologie de la construction
du château-fort . Si l'appareil est homogène, il sera possible d'avancer
l'hypothèse que l'édification de la forteresse s'est effectuée sous
la conduite de la même équipe d'ingénieur et d'architecte utilisant
des normes standardisées de construction.
L'analyse de l'ensemble des relevés se caractérise par l'utilisation
systématique de grès. Le manque de textes ne permet pas de localiser
les carrières où furent extraits les blocs de grès, mais, il y a
de fortes probabilités que ceux -ci furent débités dans des gisements
prés du château-fort. En effet de nombreux morceaux de grès affleurent
dans cette partie de l'Hurepoix, à commencer par le site castral
lui-même. Il est intéressant de noter que les châteaux Philippiens
étaient bâtis soient en grès ou en calcaires ...
L'appareillage des courtines extérieures est mixte. Jusqu'à 2,50
mètres du sol règnent des assises régulières de moellons grossièrement
taillés en moyen appareil. Au dessus se dresse un ensemble mixte
constitué de moellons de grosseurs différentes soutenus de distance
en distance par des assises régulières de grès qui renforcent la
résistance des murs. Ces assises de grès qui consolident les courtines
sont appelées "chaînage", elles servent aussi à rétablir
l'horizontalité des assises. Ces observations sur le terrain ont
été faites sur les courtines méridionales qui gardent une élévation
assez haute pour faire l'objet d'une étude. Il est à noter que les
deux courtines, reliant la tour maîtresse aux deux tours la flanquant,
ont leurs premières assises disposées en ressaut.
Les assises de moellons en moyen appareil sont horizontales, liées
ensemble par un mortier de chaux composé de sable fin et de gravier
mêlés de charbon de bois. Les joints, ainsi délimités, sont gras
(épaisseurs supérieures à deux centimètres) et non-couvrants. Si
les assises en moellon de moyen appareil dominent, celles-ci reposent
quelquefois sur des blocs en grand appareil (longueur supérieure
à trente-cinq centimètres). Ces blocs en grand appareil se trouvent
localisés à la base des courtines Nord-Ouest, Sud, Sud-Est , et
Est. Sur la portion de mur Nord-Ouest, une assise de ce type de
blocs sert à rattraper le niveau irrégulier du sol sur lequel la
courtine s'élève afin de pouvoir placer les assises en moyen appareil
sur un plan horizontal. Les blocs de grès en grand appareil constituent
les deux assises inférieures de la courtine Est afin d'augmenter
la résistance de celle-ci, qui, par sa position - face au plateau-
devait faire face aux assauts des assiégeants. la première assise
en grand appareil est disposée en ressaut, cette disposition renforce
la base des murs. L'impression de solidité, émanant de cette courtine
encadrant la porte-châtelet, donnait aussi à celle-ci une fonction
symbolique. Elle représentait la force du seigneur. Cette différence
d'appareillage est sans doute due aux nécessités fonctionnelles
de la construction (assiette défense) mais certainement pas à une
autre manière de construire.
La courtine septentrionale a était visiblement refaite après les
autres . Le joint, de couleur plus claire, remplit entièrement l'espace
entre les moellons de grès. On observe du côté de la tour "penchée"
un décrochement de cette courtine. Il semblerait que cette dernière
était originellement plus en avant, de façon à obtenir une courtine
parfaitement rectiligne sans décrochement. Il est logique de penser
que cette courtine a était restaurée à la suite de l'affaissement
de la tour "penchée". Peut-être que cette tour dans son
"chavirement" a entraîné une partie de la courtine Nord
?
Le manque de conservation des courtines intérieures n'a permis
de faire qu'un seul relevé photographique de la courtine méridionale.
Il est à noter que celle-ci fût restauré au siècle dernier. Un plan
en élévation d'un architecte du 19 éme siècle montre l'état du mur
avant sa réfection. Sur la partie d'origine, les assises de moellons
de grès grossièrement assemblés sont irrégulièrement taillées. L'assemblage
des blocs de grès du parement intérieur est moins bien soigné que
celui extérieur. Il semblerait que les constructeurs aient préféré
avoir une courtine extérieure plus résistante pour faire face aux
travaux de sape et de mine de l'assiégeant, la courtine intérieure
ne jouerai alors qu'un rôle de renforcement et de maintien du parement
extérieur et du blocage interne. Ses différentes fonctions ne nécessitent
pas une construction aussi solide que la courtine extérieure. Il
est à rajouter qu'aucune trace de trous de boulins ou de consoles
pour recevoir des hourds n'est visible sur les parements intérieurs
et extérieurs. Le manque de conservation des parties en élévation
est responsable de cet état de fait. L'existence ou l'absence des
hourds ne pourra pas être prouvée.
Les relevés des appareils des tours flanquantes et de la tour maîtresse
se caractérisent par l'emploi systématique de moellons de grès en
grand appareil. Ils sont plus régulièrement taillés que ceux des
courtines. Il semblerait que dans les constructions plus prestigieuses,
comme les tours, les moellons de grès les plus réguliers et homogènes
ont été sélectionnés. Il est fort probable que toutes ces tours
ont été construites durant la même campagne de construction.
Les quelques parties en élévation conservées permettent d'étudier
le blocage interne entre les parements extérieurs et intérieurs.
L'intervalle était complètement rempli de moellons de grès de petites
tailles, informes et de mortier. La face intérieure des blocs de
grès des courtines extérieures et intérieures n`est pas taillée
. Ils sont en moellons équarris.
A la suite de cette étude, il est presque certain que l'enceinte
de Montlhéry et ses tours ont été bâties durant la même campagne
de construction. L'homogénéité de la construction des tours permet
d'avancer cette théorie. En effet, il semble impossible que l'on
ait construit les courtines durant une autre campagne de construction.
Une chose est à noter : aucune trace d'outils ou de ravalement n'a
pu être décelée. Si celles ci ont existé , peut-être que celle-ci
ont disparu à cause de l'altération naturelle des pierres.
3.3. La tour-maîtresse
Cet édifice est situé dans l'alignement des courtines de l'enceinte,
à la pointe occidentale de la forteresse fermant l'angle le plus
aigu du pentagone. Selon la classification de Pierre Barbier, la
place forte de Montlhéry appartient à la famille "des châteaux
à donjon engagé" où la tour maîtresse remplit en même temps
le rôle d'une tour d'angle et de flanquement. La tour culmine à
30 mètres au-dessus du sol de la cour intérieur. La tour paraît
plus haute vue de l'extérieur de l'enceinte car elle repose sur
une base talutée. Cette tour est cylindrique. La forme cylindrique
supprime les angles morts pour la visibilité et le tir, offre une
résistance supérieure à la sape par bélier et nécessite moins de
maçonnerie pour un volume équivalent. La tour offre un diamètre
de 9,60 mètres, supérieur de 2 mètres à celui des autres tours,
ce qui affirme sa vocation de commandement. Le donjon est appareillé
en grès.
3.3.1. Description de la tour
3.3.3.1. le premier niveau
Il est constitué d'une salle de 4,85 mètres de diamètre de plan
hexagonal régulier, si on la circonscrit dans un cercle, et 6 mètres
sous voûte. Le sol de ce niveau est constitué par une chape de béton.
Peut-être qu'à l'origine une salle enterrée se trouvait sous le
rez-de-chaussée ?
On pénètre dans ce niveau par une petite porte rectangulaire percée
à trois marches au-dessus du niveau de la cour, et, suivie d'un
couloir droit, large d'un mètre qui traverse les 2,40 mètres de
la muraille.
Outre la porte d'accès depuis la cour, une seconde porte ménagée
vers l'extérieur du château du côté Nord, en haut de la base talutée,
est visible. De l'intérieur, cette poterne était défendue par une
herse et un assommoir. Dans l'épaisseur de la muraille est aménagée
la loge d'encastrement de la barre de bois du système de fermeture
de la porte pour la renforcer en cas de danger.
La salle du rez-de-chaussée possède deux archères à ébrasement
triangulaire et fente simple. Depuis l'accès côté cour débute un
escalier rampant aménagé dans l'épaisseur du mur qui conduit au
second niveau.
3.3.1.2.
Le second niveau
Le second niveau reprend, par ses caractéristiques (plan, dimensions,
voûtement), l'essentiel des dispositions du rez-de-chaussée, hormis
certaines différences dans les archères. En effet, celles-ci sont
remplacées par des fenêtres rectangulaires, ménagées au fond de
larges embrasures couvertes de berceaux brisés et dotées de bancs
de veille ou "coussiéges". L'une est située à l'Ouest
et l'autre donne sur la cour intérieure. Exactement au-dessus de
la poterne extérieure se trouve le poste de surveillance où les
gardes pouvaient lever ou baisser la herse et jeter des projectiles
par l'assommoir. Ce poste était éclairé par un étroit orifice.
A droite de ce poste, un escalier est aménagé dans l'épaisseur
de la muraille. Cet escalier est muré entre le deuxième et le troisième
niveau. Au deuxième niveau, Il conduit à un petit réduit surélevé
avec une porte débouchant sur le chemin de ronde qui devait être
installé sur la courtine Nord.
Cette porte donne aussi sur un escalier en vis aménagé hors-oeuvre,
au nord-est, qui prend appui sur la courtine Nord par quatre boudins
en encorbellement délimitant une tourelle de 3,45 mètres de diamètre.
3.3.1.3. Le troisième niveau
Les quatre derniers niveaux sont différents des précédents car
non voûtés mais simplement séparés par des planchers aujourd'hui
disparus. Les salles ont toutes un plan carré, excepté le dernier
niveau.
La salle du troisième niveau a un côté de 5,10 mètres. Elle est
éclairée par des fenêtres rectangulaires aménagées dans les angles,
à l'endroit où la muraille est la plus mince. Le mur Sud de la pièce
est équipée d'une cheminée à hotte rectangulaire dont le conduit
débouche sur la plate-forme sommitale actuelle.
Entre la cheminée et l'angle Sud-est de la pièce, un couloir creusé
dans l'épaisseur de la maçonnerie débouche sur le vide, côté cour
intérieure. De l'extérieur de la tour, on voit que ce couloir dessert
une bretèche dont il ne reste plus que les traces d'arrachements.
La fonction de latrine a été confirmée par les sondages effectués
à sa verticale dans la cour.
3.3.1.4. Le quatrième niveau
Il offre les mêmes dispositions et caractéristiques que le troisième
niveau.
3.3.1.5. Le cinquième niveau
Au cinquième niveau, le mur de la tour accuse un retrait de 1,50
mètre, sans pour autant changer les dimensions intérieures de la
salle. Ce rétrécissement du diamètre de la tour va de pair avec
l'établissement d'un chemin de ronde sur mâchicoulis périphériques
à la tour et à la tourelle d'escalier. Ce chemin de ronde avec mâchicoulis
est attesté sur l'enluminure des frères Limbourg dans "Les
très riches Heures du duc de Berry".
Ces mâchicoulis de pierre sur consoles se dressent à 22 mètres
du sol de la cour intérieure. L'accès à ce chemin de ronde se faisait,
sans doute, par les quatre fenêtres installées dans les angles de
la pièce intérieure.
celle-ci est équipée d'une cheminée qui est disposée au-dessus
des deux autres des niveaux inférieurs.
3.3.1.6. Le sixième niveau
Il est le seul avec un plan rectangulaire. Sa largeur est de 4,50
mètres et sa longueur de 5,50 mètres. Cette différence de plan est
due à la présence des trois conduits de cheminée qui par leur existence
élargissent le mur sur une de ses faces.
Une porte, au sud-est, à l'heure actuelle donne sur le vide. Peut-être
s'agit-il d'un accès donnant sur un chemin de ronde établi sur celui
du cinquième niveau et qui aurait disparu depuis. Rien ne l'indique,
mais, cette hypothèse n'est pas à rejeter, car pour J.F. Fiño :
"Dans les forteresses soignées, l'étage militaire se dédouble,
Au centre de la plate-forme sommitale se dresse un petit fortin,
légèrement en retrait et plus élevé, de façon à pouvoir doubler
le nombre d'arbalétriers et à servir d'ultime réduit".
La tour maîtresse est terminée par une plate-forme sommitale qui
ne date que du XIXe siècle. L'examen attentif des structures de
la terrasse laisse penser que l'on se trouve au dernier niveau ;
aucun élément pouvant indiquer le type du couronnement ne subsiste.
L'enluminure des frères Limbourg dans "les Très riches heures
du duc de Berry" montre un toit en poivrière couvrant le donjon.
3.3.2. Analyse architecturale de la tour-maîtresse
L'architecture de ce donjon sera analysée à partir des critères
suivants : les accès, les voûtes, les cheminées, les latrines, les
surfaces habitables, le rapport plein-vide.
3.3.2.1. L'accès
L'étage d'accès est de niveau avec l'intérieur de la cour de la
forteresse . Le château de Montlhéry appartient au groupe des tours
à double accès interne-externe. Cet appartenance implique la position
de la tour à cheval sur l'enceinte. De nombreux châteaux construits
par le corps royal des architectes de Philippe Auguste ont un double
accès de ce style.
Il ne reste aucune trace de feuillure d'encastrement pour un pont-levis
du côté accès interne. La présence d'un pont-levis ici n'est peut-être
pas nécessaire car il n'y a pas de fossé devant la porte et la tour
est solidaire des courtines. Les autres châteaux où l'on peut observer
un double accès ont tous leurs tours principales isolées des courtines
par un fossé et sont équipées de pont-levis.
La seconde porte est percée vers l'extérieur du château, au haut
de la base talutée, côté Nord. Cette porte devait être équipée d'une
passerelle tournant autour d'un axe fixé à la base de la feuillure
de la porte, et venant s'encastrer en position haute dans cette
feuillure. La feuillure est toujours présente. La porte est surmontée
d'une embrasure par laquelle passait sans doute le câble de remontée
de la passerelle. Cette embrasure éclaire la chambre de surveillance
du deuxième niveau. Depuis cette pièce, les gardes pouvaient jeter
des pierres par l'assommoir, lever et baisser la herse (dispositifs
défensifs : extérieur > intérieur).
Pour Pierre Héliot, la sortie extérieure devait permettre les contre-offensives,
le ravitaillement des assiégés ou les fuites libératrices et avec
cette formule, la défense devient active. Mais on peut penser aussi
qu'il s'agit d'accès pour entretenir le fossé et l'appareil extérieur
des courtines. Cette hypothèse est vraisemblable si on tient compte
de la topographie du site. En effet cet accès donne sur un côté
de la forteresse difficilement accessible par un autre chemin. De
plus, cet accès externe se trouvant à l'opposé de l'entrée principale
double les voies de communication autour du château.
3.3.2.2. Le voûtement
Les voûtes couvrent les deux premiers niveaux de la tour-maîtresse.
La voûte trouve un domaine d'application aisée dans cette salle
de plan centré. D'une façon générale, ces voûtes étaient conçues
pour dégager au maximum l'espace interne : toute la poussée de la
voûte étant reprise par les murs.
Il s'agit d'une voûte sur croisée d'ogives à six pans qui retombent
sur des culs-de-lampe en demi-pyramide surmontés de tailloirs en
bandeaux . Cette forme de croisée sur ogives est semblable à tous
les donjons royaux élevés par Philippe-Auguste depuis les années
1200. Dans toutes les tours-maîtresses érigées par le roi, on trouve
la présence de voûtes aux deux premiers niveaux ,au moins.
3.3.2.3. Les circulations verticales
Avec l'utilisation de la voûte sur croisée d'ogive aux deux premiers
niveaux, la circulation verticale est rejetée dans l'épaisseur des
murs. Contrairement à l'escalier de bois, l'escalier de pierre rampant
aménagé dans l'épaisseur des murs n'encombre plus le volume habitable.
Cette technique sous-entend un véritable progrès technique : l'escalier
doit être conçue et réalisé en même temps que la tour. L'escalier
construit dans l'épaisseur du mur s'amorce dans le vestibule d'entrée
du rez-de-chaussée pour desservir le second niveau et le troisième,
mais celui-ci est emmuré à cet étage.
La présence de l'escalier constitue un point faible dans la structure
du bâtiment ; c'est pour cela qu'il a été placé sur la face Est,
la moins vulnérable car elle fait front à la cour intérieure. Les
deux volées de l'escalier sont éclairées chacune par une fenêtre
rectangulaire à fentes étroites. Ces fenêtres répondent à la fonction
d'aération et d'éclairage. L'affaiblissement induit par ces passages
dans les murs et la nécessité d'y pratiquer des fentes de jour sont
compensés par le décentrement de l'escalier vers l'intérieur de
la tour.
Cette disposition de l'escalier du type tournant dans l'épaisseur
des murs avec obligation de traverser la salle à l'étage pour créer
une circulation en chicane est commune avec les châteaux Philippiens.
A partir du deuxième niveau, un escalier à vis hors-oeuvre, installé
dans une tourelle reposant sur la courtine Nord dessert les niveaux
supérieurs, à chaque étage de l'escalier une embrasure l'éclaire.
En observant les relevés d'architectures, il semblerait que l'accès
à cette tourelle au deuxième niveau soit différent des accès des
étages suivants. Il se peut que cette différence de disposition
soit due à la nécessité de garder un accès depuis la tour sur la
courtine Nord. Il est à noter que l'extériorisation des escaliers
à vis commence au cours du dernier tiers du XIVe siècle.
3.3.2.4. Les ouvertures
La position des ouvertures est intéressante à remarquer.
Le rez-de-chaussée est dotée seulement de deux embrasures. Celles-ci
visiblement avaient une fonction plus défensive que d'apport de
lumière.
Le deuxième niveau est percé de deux fenêtres : une donne sur la
façade Est, dans l'intérieur de la cour castrale, l'autre donne
sur l'Ouest à l'extérieur du château, mais son altitude par rapport
au fossé la rend difficilement accessible; Il est intéressant de
remarquer que la fenêtre Est est plus petite que celle de l'Ouest
(60 cm de hauteur contre 120 cm). Cette différence de dimension
est due au fait que la fenêtre Est est plus proche du sol rehaussé
de la basse-cour et de ce fait plus vulnérable à un assaut par escalade.
Les ouvertures du troisième et quatrième niveau sont semblables.
Chaque niveau possède trois fenêtres qui donnent toutes à l'extérieur
de l'enceinte castrale à l'Ouest, au Nord et au Sud. La topographie
du site, où est établie la tour, les rendent difficilement accessibles;
Les quatre fenêtres du cinquième niveau sont alignées sur celles
du troisième et du quatrième. La fenêtre supplémentaire donne sur
la face Est;
Le sixième niveau est équipé d'une porte donnant sur le vide au
sud-est.
L'ouverture est un critère d'évolution très intéressant. Son type
résulte d'un compromis entre la notion de confort et les nécessités
de la défense. Pour étudier cet aspect architectural, il a été jugé
utile de reprendre la méthode mise au point par Jean-Olivier Guilhot.
Pour étudier ce paramètre, celui-ci calcule le rapport de la surface
des percements sur la façade à la superficie du plancher. Pour rendre
ce résultat plus tangible, il applique son calcul à une maison contemporaine
(cave+étage habitable+grenier). Le rapport est de 3,9% soit un coefficient
de base de 14.
Cette base de 14 lui permet d'établir trois groupes de châteaux
:
|
coefficient
1 à 1,5 : ce sont des donjons au caractère militaire très marqué
et où la pénombre rend tous travaux précis impossible en l'absence
de sources lumineuses complémentaire ; |
|
coefficient
3 à 4,5 : la fonction militaire semble assez équilibrée avec
la fonction résidentielle ; |
|
coefficient
6 à 10 : ce groupe est disparate dans l'étude faite par Guilhot,
la fonction résidentielle peut supplanter la défense, ou, la
topographie élevée du site peut permettre le percement de nombreuses
ouvertures. |
Ce calcul appliqué à la tour de Montlhéry donne un résultat de
5,52 pour les cinq premiers étages. Ce résultat comparé aux trois
groupes définis semblerait indiquer que la tour-maîtresse de Montlhéry
est à mi-chemin entre la tour-mixte et le groupe disparate mis en
évidence par Mr. Guilhot.
L'analyse plus détaillée des calculs est plus riche de renseignement
que l'analyse globale. Deux faits sont mis en évidence :
|
Le cinquième
niveau à un coefficient de 18 ; il est de loin supérieur aux
groupes définis auparavant. Une explication est possible , ces
ouvertures avaient plus un rôle d'accès facile au chemin de
ronde que celui de simple apport pour la lumière. |
|
Le rez-de-chaussée
et le second niveau appartiennent au groupe I, leur fonction
militaire l'emporte sur la fonction résidentielle. L'absence
de luminosité renforce la thèse de la présence d'un éclairage
et chauffage portatif. Par-contre les deux niveaux supérieurs
ont leurs fonctions militaires assez équilibrée avec la fonction
résidentielle; cette constatation est renforcée par la présence
de latrines et de cheminées, absentes des deux niveaux inférieures.
|
Ainsi l'étude des ouvertures semble indiquer que deux conceptions
de la fonction d'une tour-maîtresse ait existé : Une fonction militaire
marquée aux deux premiers niveaux et une fonction plus équilibrée
entre l'aspect guerrier et résidentiel pour les niveaux supérieurs.
3.3.2.4.1. Les embrasures de tir
Elles subsistent encore dans la tour-maîtresse. Deux embrasures
sont percées au rez-de-chaussée, l'une ouvrant au sud-est et l'autre
au sud-ouest. Trois embrasures ont été aménagées dans l'escalier
en vis en hors-oeuvre du deuxième au quatrième niveau, toutes trois
sont orientés vers l'Ouest et placés les unes en dessous de l'autre.
Les deux embrasures du premier niveau ont leurs seuils d'ébrasement
surélevé par rapport au niveau de la salle. Chaque archère est à
fente simple. Le couvrement est constitué de dalles superposées.
L'ébrasement triangulaire en sifflet est dotée d'une plongée et
aussi d'un mur d'appui. L'embrasure du sud-est présente une caractéristique
ingénieuse, un renforcement à droite de l'archère permettait à un
tireur à l'arc de pouvoir plus commodément tendre la corde de son
arc.
Quel était l'emploi de ces embrasures de tir ? Déjà, il faut écarter
la fonction d'archère-cannoniére. L'embrasement interne et la fenêtre
de tir n'ont pas été équipés pour recevoir une arme à feu. En effet,
il n'y a aucune trace de dispositif pour soulager le tireur du poids
de l'arme, et la fenêtre de tir est dépourvue d'orifice circulaire
pour laisser passer la bouche d'une pièce d'artillerie. Les faibles
épaisseurs et hauteurs des murs d'appui ne peuvent servir à l'arbalétrier
qui lance ses carreaux en étant debout ou un genou à terre, l'arme
reposant sur l'appui. La présence d'une plongée ne facilite pas
l'emploi de l'arbalète, aussi. En cas de tir plongeant, le carreau
non retenu par la glissière serait tombé avant le déclenchement
de la gâchette. Par-contre, il était possible d'utiliser l'arc ;
car d'après Alain Salamagne : "Le tir à l'arc nécessite une
hauteur d'embrasure de 2,50 mètres et une profondeur de 2 mètres"
, dimensions largement respectées au premier niveau qui a un diamètre
de 4,85 mètres et une hauteur de 6 mètres.
Selon la typologie des archères établie par Pierre Sailhan, les
deux embrasures de tir appartiennent au type appelé archère rectangulaire
simple . Monsieur Sailhan affirme que ce type est le plus ancien
et son usage est généralisé à la fin du XIIe siècle et qu'il est
utilisé sporadiquement jusqu'au XVe siècle.
Jean Mesqui est plus précis, il pense que ces embrasures de tir,
par leurs caractéristiques (ébrasement triangulaire, fente simple),
appartiendraient à un type d'archère très fréquent dans tous les
châteaux royaux de Philippe II Auguste. C'est au cours de son règne
que l'on peut placer la véritable apparition de archère, toujours
selon Mesqui.
Les embrasures de la tourelle d'escalier ont un ébrasements triangulaires,
sans plongée avec un couvrement de dalles plates. La fenêtre de
tir est à fente simple. Il n'y a pas de repos dans l'escalier à
leurs niveaux. Les embrasures du deuxième et troisième niveaux ont
des dimensions similaires. Mais la hauteur de la fenêtre s'accroît
en montant au niveau supérieur. Elle passe de 80 centimètres à 87
centimètres, puis à 110 centimètres pour celle du quatrième niveau,
qui possède aussi une fenêtre plus large (85 centimètres contre
75 centimètres). Cet accroissement peut s'expliquer par le fait
qu'il est moins dangereux de percer une ouverture plus large dans
un étage supérieur que dans un étage inférieur.
Ces résultats obtenus sont aussi utiles pour connaître la fonction
de ces embrasures. Dans beaucoup de descriptions de constructeurs
médiévaux, et en particulier de ceux des anciens Pays-Bas, les fentes
d'éclairages verticales, fréquentes dans les tourelles d'escaliers
à vis, étaient appelées des "rayères". Parfois ces percements
avaient une double fonction, d'éclairage et de tir.
Si la fonction d'éclairage n'est pas a mettre en doute dans cette
partie du château qui a besoin de lumière, la fonction défensive
est plus difficile à démontrer. Déjà la fonction d'archère-cannonière
pour arme à feu légère est à exclure. Car pour soulager le tireur,
il est installé une barre de fer reliant les joues de l'embrasure
pour le repos de l'arme. Mais lors des relevés, les orifices recevant
la barre de fer se sont avérés absents.
Le tir à l'arc était impossible en raison des dimensions de la
tourelle d'escalier. En effet, la largeur de l'escalier est de 84
centimètres, et, un tireur à l'arc a besoin de 2 mètres pour décocher
ces traits ainsi que cela a été dit précédemment.
3.3.4.2.2 Les fenêtres
Toutes les ouvertures présentes du deuxième au cinquième niveau
sont des fenêtres. Aucunes ne présentent de caractéristiques propres
aux archères (évasement, faible largeur extérieure).
Elles ont comme point commun de ne pas posséder d'arc de décharge
extérieur, mais un linteau plein. En effet, la faible largeur des
fenêtres du second niveau, qui est de quarante centimètres, n'imposait
pas de fortes contraintes mécaniques sur le parement extérieur.
Les fenêtres des niveaux supérieurs sont plus larges, elles mesurent
quatre-vingt-dix centimètres de large pour le troisième et quatrième
niveau et un mètre pour le cinquième niveau. Elles n'ont pas d'arc
de décharge parce qu'elles sont percées à l'endroit ou le mur est
le moins épais. De cette façon, elles affaiblissent moins la construction.
Toutes ces fenêtres sont rectangulaires . Pour Jean Mesqui :
"Il s'agit, de fait, de la forme la plus courante de la fenêtre
de petite taille, parfaitement adaptée à l'éclairage parcimonieux
des tours-résidences". Il déclare, ensuite, que ces fenêtres
rectangulaires sont présentes dans la majorité des tours-maîtresses
des châteaux Philippiens.
Les fenêtres présentent des dispositions intérieures différentes.
On peut partager les fenêtres en deux groupes. Un premier groupe
serait constitué par des fenêtres équipées d'embrasures à emmarchement
permettant à la lumière de pénétrer plus largement dans la salle.
Cette disposition concerne les fenêtres du troisième au cinquième
niveau. Elles ont aussi comme caractéristiques d'être placé à une
hauteur qui en rendaient l'accès impossible. Le second groupe concerne
les fenêtres du second niveau. Ces deux ouvertures sont équipées
de coussiége de part et d'autre de l'embrasure. Pour Jean Mesqui,
cette disposition intérieure fournit des indications chronologiques.
Il affirme que le franchissement des années 1200 voit s'imposer
l'usage du coussiége. Il remarque que dés 1180 tous les bâtiments
militaires construits par la couronne Française utilisèrent systématiquement
cette disposition.
En résumé, ces fenêtres ont toutes comme point commun d'être rectangulaires
à linteau plein.
Mais deux groupes se détachent : le premier est constitué des ouvertures
du second niveau qui sont équipées de coussiéges entourant l'embrasure
peu large. Le dernier groupe rassemble les fenêtres du troisième
au cinquième niveau qui sont toutes relativement larges et possèdent
un ébrasement à emmarchement.
3.3.2.5. Les cheminées
La cheminée a une fonction utilitaire mais son caractère ostentatoire
n'est pas à négliger. Sa présence marque bien souvent la fonction
résidentielle et/ou d'apparat d'une pièce.
Actuellement, le château de Montlhéry possède trois cheminées.
Elles sont disposées l'une au-dessus de l'autre du troisième au
cinquième niveaux. Ces cheminées, pour Jeannine Guaugué-Bourdu,
sont très proches de celles du château voisin de Marcoussis, oeuvre
de Jean de Montaigu mise en chantier à partir de 1402.
Le rez-de-chaussée et le deuxième niveau n'ont pas de cheminée.
Mais le chauffage pouvait être assuré par des structures légères
qui n'auraient laissé aucune trace.
3.3.2.6
Les latrines
Comme il a été décrit précédemment, le troisième et le quatrième
niveau ont des latrines en encorbellement établit dans l'angle sud-est
de la salle. Elles sont séparées de la pièce par un couloir en chicane,
une fente de jour en assure toujours l'éclairage et la ventilation.
Ce type de latrine permettait de libérer plus d'espace pour les
salles intérieures. Bien sûr, le confort des pièces de séjours exigeait
l'extériorisation des latrines.
D'un point de vue architectural, la latrine en encorbellement n'offre
aucune contrainte structurelle interne. Par ailleurs, elle peut
éventuellement se transformer en bretèche pour le tir vertical.
L'absence d'autres latrines dans le château ne signifie pas forcément
qu'elles n'ont jamais existé. Elles pouvaient être établies en bois
au niveau du hourd où du chemin de ronde qui ont disparu aussi.
Elles existaient peut-être dans les constructions castrales ruinées
(salles et tours).
3.3.2.7 Les surfaces habitables
Ce critère fait apparaître de grandes disparités (22,5 m2 pour
les deux premiers niveaux à 30,25 m2 pour le niveau IV). La surface
moyenne par étage est de 25,50 m2 environ. Il semblerait que cette
dernière soit supérieure de 2,5 m2 à celle des châteaux lyonnais.
Mais ce résultat ne nous permet pas de dire que Montlhéry était
plus habitableque les
châteaux de la région Rhône-Alpes.
Calcul
de la fréquence des ouvertures du donjon de Montlhéry
|
|
Surface des embrasures en m2
|
Surface habitable en m2
|
Rapport (indice 3,9)
|
Rez de chaussée |
0.5 |
22.5 |
0.65 |
Deuxième niveau |
0.72 |
22.5 |
0.95 |
Troisième niveau |
2.52 |
27.04 |
4 |
Quatrième niveau |
1.92 |
27.04 |
3.04 |
Cinquième niveau |
4.2 |
30.25 |
18 |
Il est à remarquer
que les deux niveaux inférieurs proposent la même surface habitable
de 22,5 m2, alors que les niveaux III et IV possèdent la même surface
sur plancher de 27,04 m2. Ces deux derniers niveaux sembleraient
être plus vaste pour servir de pièce de vie. Les deux derniers niveaux
supérieurs offrent des surfaces différentes. Celle du cinquième
niveau est importante (30,25 m2), elle est le résultat de l'amincissement
de la maçonnerie. La dernière est moins vaste (24,04 m2) parce que
les conduits des trois cheminées prennent une grande place.
3.3.2.8. Les rapports plein / vide
En étudiant ce caractère marquant, deux groupes se détachent :
Le premier est constitué par les quatre premiers niveaux et le
second par les deux derniers niveaux, l'écart des mesures est énorme
entre ces deux ensembles.
Calcul
des pleins et des vides |
|
Surface totale en m2
|
Surface habitable en m2
|
%
|
Surface des pleins en m2 |
% |
Rez de chaussée |
78.5 |
22.5 |
28.6 |
56 |
71.4 |
Deuxième niveau |
78.5 |
22.5 |
28.6 |
56 |
71.4 |
Troisième niveau |
78.5 |
27.04 |
34.5 |
51.5 |
65.5 |
Quatrième niveau |
78.5 |
27.04 |
34.5 |
51.5 |
65.5 |
Cinquième niveau |
50.25 |
30.25 |
60.1 |
20 |
39.9 |
Sixième niveau |
50.25 |
24 |
47.5 |
26.25 |
52.5 |
Mais le premier groupe n'est pas totalement homogène. Les deux
premiers niveaux offrent des pleins de 71,40 % et des vides de 28,60
%. Ces deux résultats sont comparables à ceux obtenus sur le donjon
de type Philippien de Chessy. Alors que les deux suivants ont leurs
maçonneries plus mince (Pleins : 65,50 % et vides 34,50 %). Les
vides plus importants du troisième et quatrième niveaux sembleraient
indiquer que ceux ci avaient une fonction résidentielle plus marquée
que celles des niveaux inférieurs.
Les niveaux du deuxième ensemble se caractérisent par une réelle
faiblesse des maçonneries (pleins : 39,90 % pour le cinquième niveau
et 52,50 % pour le dernier). Cette faiblesse est sans doute due
aux contraintes architecturales. Les quatre derniers niveaux inférieures
ne peuvent pas supporter plus que ces deux niveaux. Le rétrécissement
de la surface totale (50,25m2 contre 78,50m2) des niveaux cinq et
six renforce cette thèse.
3.3.3. conclusion
En recoupant ces différentes données, il semblerait que la tour-maîtresse
fût érigée en plusieurs campagnes de construction. Deux campagnes
peuvent être identifiées. Une première qui concerne les deux premiers
niveaux et une seconde les niveaux supérieures.
Pour la première campagne de construction, tous les critères précédemment
étudiés classent la tour-maîtresse de Montlhéry dans la catégorie
des châteaux Philippiens.
|
Une tour cylindrique, régulièrement
appareillée, sur une base talutée |
|
Un accès sur la cour intérieur et
autre vers l'extérieur de la place forte |
|
Des salles avec des voûtes sur ogives |
|
Des escaliers rampant dans le mur |
|
Des archères à fente simple |
|
Des fenêtres équipées de coussiéges |
Mais, des restrictions sont à ajouter. Le donjon n'est pas isolé
du reste de la forteresse par un fossé, comme, dans la plupart des
forteresses Philippiennes. Sûrement son assise solide sur le roc
lui permet de se passer de fossé. Les salles de la tour sont de
plan hexagonales, contrairement aux autres donjons Philippiens qui
eux possèdent des salles à plan circulaire. Néanmoins le château
royal de Yévre-le-Châtel à ses tours flanquantes dotées de salles
à plan hexagonal. Le diamètre intérieur des salles est peu élevé
comparativement aux autres donjons royaux de Philippe Auguste. Le
donjon est aussi dépourvue de puits, de latrines et de cheminées
(apparentes). Ces équipements de confort existent, par-contre, dans
les châteaux de Dourdan (91) et de Villeneuve-sur-Yonne. Mais comme
le dit John Baldwin : "Les tours cylindriques de Philippe Auguste
privilégient la défense sur la résidence".
Les quatre derniers niveaux du donjon semblent avoir une fonction
résidentielle plus marquée. Les troisième et quatrième niveaux sont
dotés de latrines, les niveaux (3 à 5) sont équipés de cheminée.
Les fenêtres ont une fonction d'éclairage plus marquée que les ouvertures
des deux premiers niveaux. La défense est concentrée en hauteur.
Cette défense repose sur une galerie circulaire couverte équipée
de mâchicoulis sur consoles entourant le réduit central du cinquième
niveau. Les quatre niveaux supérieurs sont desservis à partir du
deuxième niveau par un escalier à vis en hors-oeuvre. Il est à remarquer
que les premières mâchicoulis sur consoles apparaissent vers la
fin du quatorzième siècle, comme l'utilisation des escaliers à vis
en hors oeuvre.
En résumé, tout ceci permet de dire qu'à la fin du quatorzième
siècle, un des propriétaires de Montlhéry a réaménagé la tour de
Montlhéry pour la rendre plus habitable et la mettre aux normes
de défense de l'époque.
3.4. Les salles
Elles sont connues grâce à l'utilisation successive des sources
manuscrites, bibliographiques et archéologiques.
Jules Payen, dans sa "notice sur Montlhéry" parle de
la découverte, en 1882, de la grande salle construite le long de
la courtine Nord. Mais ce bâtiment était déjà connu par le procès-verbal
d'expertise du 23 mars 1547 dressé par les experts royaux. Ils écrivent
: "à l'un des côtés de ladicte tour est un grand édifice appliqué,
à deux salles, l'une de soixante pieds et l'autre de trente pieds
de long, de vingt-deux pieds de large et dont les murs ont six pieds
d'épaisseurs".
Actuellement, il ne reste plus que les substructions de ce grand
bâtiment et la base des deux colonnes qui soutenaient l'étage supérieur.
Par conséquent, il est difficile de se rendre compte de son élévation
passée et de sa structuration verticale. Il est impossible par manque
de texte de connaître, d'une manière sûre, sa fonction. Il s'agit
peut-être d'une "grande salle". Ses dimensions correspondent
à ce genre de bâtiment selon la monographie de Jean Mesqui. Elle
rentre dans le couple Longueur sur Largeur : 15-20 mètres / 5-10
mètres défini par cet auteur puisqu'elle mesure 16,50 mètres de
longueur sur 7 mètres de largeur.
Le procès-verbal du 23 mars 1543 fait allusion aussi à l'existence
d'une galerie à arcades accolée à la courtine Sud. Il cite : "De
l'autre côté de ladicte tour, des galeries sur les avant-murs pour
servir à aller à couvert le long des allées des dictes galeries"
. En effet, une gravure de Claude Chastillon fait apparaître, en
avant de la courtine, une galerie à arcades séparées apparemment
par des contreforts ou des pilastres et surmontée de combles. Il
n'y a plus de traces de cette construction de nos jours.
Pour Jean Mesqui, le concept de galerie est l'un des plus flous,
car il peut s'appliquer, dans les désignations, à tous élément assurant
une communication horizontale entre édifices. Sur la gravure de
Claude Chastillon, la galerie semble permettre de circuler de l'une
à l'autre des tours de la courtine Sud à l'abri des intempéries
et des projectiles. Cette galerie abritait aussi le puits.
En résumé, les bâtiments internes du château de Montlhéry s'appuient
aux courtines afin de dégager la cour intérieure pour que la garnison
puisse aller d'un côté à l'autre de la forteresse sans être gênée
par des obstacles. De plus, ce dégagement permet d'employer l'artillerie
à ressort du site fortifié dans toutes les directions.
3.5. Le puits
Le puits, primitivement situé sous la galerie à arcades du château,
prés de la tour sud-ouest, est connu par une description donnée
par Victor-Adolphe Malte-Brun.
Il écrit : "Le puits à soixante et onze mètres de profondeur
; le fond repose dur des marnes calcaires magnésiennes. A cinquante-deux
mètres, base des sables de fontainebleau, est une nappe aquifère
dont les pluies intermittentes tombent goutte à goutte au fond"
.
André Jouanen émet l'hypothèse que ce puits était surtout une citerne
qui recueillait les eaux de pluie des bâtiments voisins. Pour lui,
la nappe aquifère n'avait pas un débit assez suffisant pour répondre
au besoin des occupants du château. La destruction des bâtiments
ne permet pas de confirmer cette thèse.
Ces informations sont précieuses car le puits est actuellement
comblé pour des raisons de sécurité. Déjà, il a été comblé une première
fois en 1591, lors de la démolition du château, puis déblayé en
1750 pour être à nouveau rebouché en 1804, en raison des dangers
qu'il représentait. Seule en subsiste, à l'heure actuelle, la margelle.
3.6. La cave
Selon la tradition orale, le jeune roi Louis IX et sa mère Blanche
de Castille se cachèrent dans un souterrain dont on voit l'entrée,
à quelques pas du donjon. Ce souterrain aurait été comblé une première
fois en 1757, puis à nouveau en 1804 par ordre du maire de la ville
de Montlhéry et une dernière fois en 1864 au moment des travaux
de restauration entrepris par Viollet-le-Duc. Dès la création des
"Amis du Château Féodal de Montlhéry" en 1967, le souci
des membres de l'association fut de dégager l'entrée et d'enlever
les gravats dans la cavité. Il s'est avéré que ce souterrain n'était
qu'une simple "cave à vin", comme dit le spécialiste Français
l'abbé Nollent d'Artenay.
Ce chaix se présente sous la forme d'un souterrain à cellules latérales
régulières en croix de lorraine. Un escalier de sept marches donne
accès à une allée droite et voûtée de 5 mètres de long sur 1,75
mètre de large et 2 mètres de haut, flanquée de deux cellules symétriques
de dimensions semblables de 2,10 mètres de profondeur sur 1,35 mètre
et 1,50 mètre de haut. Cette allée se termine par une même cellule
située dans son axe et descendant légèrement. Le tout est
partiellement maçonné. Des niches verticales sont situées au bas
de l'escalier, d'autres plus petites se trouvent à mi-hauteur de
ce dernier. Deux sont aménagées devant la porte d'entrée ; celle
de droite communique avec une cheminée d'aération. A gauche de accès
à la cave, une seconde descente de marches a été exhumée.
L'entrée de la cave est entourée par une substruction appareillée
en grand appareil dont quelques pierres sont frappées de marques
lapidaires qui peuvent être des marques de tâcherons. Ce mur bien
soigné laisse penser que peut-être la cave se serait trouvée au
dessous d'un bâtiment et non en espace libre. Aucun document ne
permet d'étayer cette hypothèse.
Récemment, un type semblable de cave à plan en croix de lorraine
a été exhumée dans le manoir Philippien de Vincennes. M. Jean Chapelot
pense qu'elle remplissait la fonction de cave de stockage. Il est
possible d'avancer l'hypothèse que cette cave est la seule du site
castrale. Le donjon en serait dépourvu, soit par manque de place
ou pour des raisons géologiques : le sol était trop dur à percer.
3.7. Le système défensif extérieur
L'iconographie récente relative au château a fait naître un mythe,
celui d'un château "à tiroirs", dont l'enceinte pentagonale
aurait été précédée par trois basses-cours successives régulièrement
disposées à flanc de colline.
Ce mythe ne serait pas sans fondement. Le procès-verbal d'expertise
du 23 mars 1547 fait allusion aux enceintes en ces termes :
"Il est constatée : qu'il y avait à l'entrée du château une
basse-cour séparée par trois pont-levis, garnis de fossés".
Le cadastre Napoléonien, levé en 1810, situe l'emplacement hypothétique
de cette basse-cour.
Il n'existe aucune source sûre expliquant la disposition des enceintes
de la basse-cour. André Duchalais donne des informations sur celle-ci
sans citer ses sources. Il écrit : "Il (le château) était formé
de quatre enceintes ou plutôt de quatre terrasses échelonnées en
amphithéâtre à la suite des unes et des autres. Toutes ces enceintes
étaient carrées à l'exception de la quatrième qui formait un pentagone.
Elles étaient toutes d'une pareille largeur, mais d'une longueur
inégale, [...] ; la première renfermait la chapelle du château,
elle est séparée en deux par un mur (Saint-Laurent / Saint-Pierre),
[...], la seconde enceinte s'élevait à dix pieds au dessus de la
première ; quelques pans de murs, et le mouvement de terrain nous
indiquent la place qu'elle occupait autrefois. Elle avait environ
quatre-vingt-dix-huit pieds de large sur quatre-vingt-huit de large.
La troisième, plus élevée encore que celle-ci, était aussi large,
mais elle avait vingt pieds de long seulement. Elle était protégée,
par deux tours dont on aperçoit encore les traces. Un fossé de trente-huit
pieds de large renfermé dans l'intérieur des murs séparait cette
enceinte de la quatrième".
Eugène Bardin, sur son plan modèle, trace l'emplacement hypothétique
de la basse-cour d'après la configuration du terrain.
En 1975, "La Société des Amis du Château Féodal de Montlhéry"
pense avoir repéré l'emplacement de la première enceinte du château
lors de travaux de voirie sur la rue de la Poterne.
Actuellement, aucune découverte et ni d'étude ne sont faites pour
mieux connaître la disposition de cette basse-cour, sans doute détruit
lors du démantèlement du château en 1591.
3.8. La chapelle
Elle est située dans l'avant-dernière cour de la forteresse. Selon
la légende, Saint-Louis commanda sa construction à son retour de
la croisade de Damiette en 1254.
Actuellement, l'édifice est très ruiné mais ses murs sont encore
bien visibles. Ils témoignent d'un petit bâtiment de 15 mètres de
longueur sur 8 mètres de largeur, orienté bizarrement nord-sud,
à une seule nef et implanté du côté oriental du fossé qui est franchi
par le pont actuel. L'orientation anormale est, sans aucun doute,
due à l'étroitesse de l'avant dernière cour. Cette construction
est relié à l'enceinte castrale par un mur franchissant le fossé.
La dévastation de cette chapelle pourrait être intervenue dès 1562.
grâce aux reproductions de Claude Chastillon, on a de plus amples
informations sur l'aspect de cet édifice, car elle était moins ruinée
au début du XVIIe siècle. Claude Chastillon la représente sans toit,
avec des brèches visibles aux deux murs pignons. Une fenêtre en
ogive trilobée orne le mur pignon Sud.
Les fouilles de 1976 d'exhumer, se résumèrent à quelques sondages
réalisés dans le sol de la chapelle. Ils permirent des fragments
de poterie du XIIe et du XIIIe siècle, ainsi que des ossements d'animaux
et des morceaux de bronze. Ces vestiges archéologiques hétéroclites
proviennent sûrement des remblais nécessaires à l'édification de
la terrasse sur laquelle repose la chapelle.
3.9. conclusion
En étudiant toutes les parties architecturales du château-fort
de Montlhéry, il est possible maintenant de tirer quelques conclusions.
La forteresse offre assez de recoupements avec les châteaux Philippiens
pour être datée du règne de Philippe Auguste. On peut tenter de
dresser l'inventaire des caractéristiques de la fortification Philippienne
dont elle fait preuve.
- Le plan est géométrique.
- Les dimensions générales sont modérées.
- Les courtines sont en ligne droite entre les tours, elles sont
talutées
- Les tours de flanquement, toujours cylindriques, sont voûtées,
saillantes, régulièrement espacées et elles commandent les courtines.
- La porte d'accès principale est une porte-châtelet. Elle est
percée entre deux tours et est munie d'assommoir et de herse.
- Le rôle du donjon cylindrique est diminué et il est situé en
périphérie.
- Le donjon a un accès intérieur et un autre extérieur.
- Des archères à fente simple et à ébrasement triangulaire sont
disposées dans les tours.
- Les bâtiments sont adossés aux courtines ce qui dégage une cour
centrale.
Il est impossible, compte tenu des sources actuelles connues, d'avancer
une date de construction précise pour le château de Montlhéry. Le
registre A des comptes de Philippe Auguste, établi de 1205 à 1212,
mentionnant les travaux de fortifications royaux ne cite pas Montlhéry.
On est seulement sûr que la forteresse a appartenu à Philippe Auguste
par héritage. Le château fort faisait partie de la liste des cent-treize
châteaux et forteresses tenus par le roi Philippe dressée par les
clercs de sa chancellerie après 1210. Le registre C mis en service
entre 1212 et 1220, et, le registre E écrit à partir de 1220 citent
la châtellenie de Montlhéry. Ils dressent la liste des chevaliers
et des fiefs de ce territoire administratif.
Par pure hypothèse, le château de Montlhéry pourrait avoir été
construit avant 1205. Pour être plus précis, Philippe Auguste a
pu ordonner sa construction vers 1200, date à laquelle le roi capétien
consolidait certaines place-fortes de l'Ile-de-France comme Corbeil,
Melun et Montargis. Elie Berger cite bien dans son recueil d'actes
de Philippe Auguste la présence de ce roi à Montlhéry en 1194 et
1206. Peut-être pendant cette période le roi a t-il ordonné l'édification
du nouveau château de Montlhéry ? Cette hypothèse est plausible.
En revanche, les quatre derniers niveaux de la tour maîtresse ne
sont pas dus aux ingénieurs de Philippe Auguste. Le plan des pièces,
carrées et non plus hexagonales, les marques de confort (latrines
et cheminées), les mâchicoulis sur consoles, la tourelle d'escalier
hors oeuvre sont autant d'éléments qui renvoient au quatorzième
siècle. Montlhéry ne fut pas la seule "vieille" forteresse
a être ainsi modernisée pour faire face aux nouvelles contraintes
de la guerre de Cent Ans. On peut citer Beynes et Chevreuse (Yvelines),
Blandy-les-Tours (Seine et Marne) ...
L'analyse de certains éléments architecturaux permettent de donner
une fourchette chronologique pour la construction des quatre derniers
niveaux de la tour. En effet, les mâchicoulis sur consoles à quatre
assises s'apparentent à ceux des châteaux des ducs d'Orléans, ce
qui permet de proposer une période de 1387-1411 pour le rehaussement
de la tour. André Châtelain affirme que ces travaux doivent être
attribués à Olivier de Clisson, seigneur de Montlhéry de 1382 à
1392, ce qui semble correspondre.
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