Montlhéry, cité millénaire.
Aujourd'hui :
|
|
Abbé Jean Lebeuf, Histoire du diocèse de Paris, MONTLHERY, 1757
IV - LA BATAILLE
Au mois de Décembre 1205, Baudoin de Paris et sa femme vendirent à ce même Roi un droit de péage qu'ils avoient à Montlhery ; ce qui fut confirmé par Frideric de Palaiseau, duquel ce droit relevoit en fief, et par Hesselin de Linas, duquel il relevoit en arriere-fief. De là vient que dans les Livres du Châtelet de Paris il est fait mention à l'an 1255, du rôle dressé alors pour le péage dû à Montlhery, suivant la déposition de ceux qui avoient tenu la Prévôté de ce lieu. Saint Louis régnoit alors. Ce fut vers le commencement de son regne que le Château de Montlhery lui servit de retraite. Dans le temps de la conspiration des Princes contre lui et sa mere la Reine Blanche, s'étant mis en chemin pour aller à Vendôme, où le Duc de Bretagne et le Comte de la Marche avoient promis de lui faire satisfaction,.il apprit que ces rebelles faisoient avancer secrétement des troupes jusqu'à Etampes et à Corbeil pour tâcher de l'envelopper. Il étoit déja à Châtres par-de-là Montlhery lorsqu'il en fut averti ; cela l'engagea à revenir sur ses pas, et à se retirer dans le Château. La tradition du pays est qu'il se mit dans un souterrain dont l'entrée est à quelques pas de la Tour, mais maintenant bouchée. Les Parisiens qui étoient attachés à leur Roi, coururent à son secours pendant que les Barons étoient assemblés à Corbeil, et le renfermant dans le centre de leurs bataillons, ils le ramenerent en sûreté à Paris. Joinville dit que depuis Montlhery les chemins étoient pleins de gens qui crioient à haute voix à Notre-Seigneur qu'il lui donnât bonne vie. Le même Auteur écrit un peu plus haut, que Guillaume, Evêque de Paris, regardoit le Château de Montlhery comme situé au fin coeur du Royaume. Dans ce qui regarde la Police de Montlhery sous le regne de ce Prince, il reste une preuve de l'équité de son Parlement. Barthelemi Tristan, Sergent du Roi, prétendit que l'amende des fausses mesures de bled qui se trouveroient à Montlhery lui appartenoit. Le Bailli d'Orléans soutenoit qu'elle appartenoit au Roi. Le Parlement de la Chandeleur 1264 adjugea ce droit au Sergent.
Le Comte de Hainaut s'étant révolté contre le Roi Philippe-le-Bel, ce Roi le, fit enfermer dans la Tour de Montlhery où il fut en 1292 et 1293.
Si l'on est curieux de sçavoir ce que la Châtellenie de Montlhery pouvoit payer de contribution extraordinaire au commencement du quatorzième siécle, il suffit de faire attention que sur la somme de mille huit cents tant de livres que la Prévôté de Paris hors la Ville faisoit en 1304 au Roi Philippe-le-Bel pour la subvention de l'armée de Flandres, cette Châtellenie paya 1220 livres. On a vu ci-dessus que la Tour subsistoit toujours. En 1311 Louis, fils aîné de Robert, Comte de Flandres, y fut mis en prison par ordre du même Roi Philippe-le-Bel. En 1316, le 13 Juin, Philippe le Convers, Chanoine de Paris, donna son manoir de Montlhery et tous les jardins à Philippe, Comte de Poitiers, qui fut depuis Roi sous le nom de Philippe-le-Long.
Les Continuateurs de la Chronique de Nangis observent que sous les successeurs de Philippe-le-Bel on soupçonna les Lépreux d'avoir jetté du poison dans les puits. De là vient qu'on trouve une Ordonnance du 2 Septembre 1321 à Guillaume de Gienville, Receveur de la Vicomté de Paris, de faire nettoyer le puits du Château de Montlhery, pour le doute qu'avoit Pierre Guillart, Garde du Roi en ce Château, que les Mesiaux ne l'eussent empoisonné. C'est ainsi qu'on appelloit alors les Lépreux. Cette Ordonnance nous apprend incidemment le nom d'un des plus anciens Gardes Royaux de Montlhery. Quelquefois les Prévôts du lieu furent qualifiés Gardes, étant d'abord établis pour la garde; ensuite leurs Charges furent données à ferme ou redevance annuelle, et enfin à titre d'Office. Ils ont été dits quelquefois Gardes du Chastel, Chastellenie et Comté de Montlhery. Philippe de Saint-Yon l'étoit en 135o. Six ans après on trouve un Jacques d'Hangest, prêtant serment à la. Chambre des Comptes comme Capitaine et Garde de Montlhery. La même année 1356, le Duc de Normandie Charles V, Régent du Royaume pour le Roi Jean, son père, ayant rompu l'Assemblée des Etats le 2 Novembre, alla le lendemain à Montlhery. Ce fut dans ce lieu-là qu'il donna une Ordonnance concernant les immunités de la ville de Tournay, datée du même mois. Les Anglois qui faisoient des courses dans le Royaume en 1358, vinrent aussi alors à Montlhery. En 1362, Hugues du Boulay étoit Châtelain du Château de Montlhery. Mais vingt ans après il fut confié à un homme d'une plus grande importance. La garde en fut donnée à Olivier de Clisson, Connétable de France, qui prêta serinent le 14 Mars 1482, à la Chambre des Comptes de le restituer au Roi lorsqu'il en seroit requis. On y tint depuis diverses Conférences avec la Reinc Isabeau de Baviere pour la pacification des Maisons d'Orléans et de Bourgogne.
En 1412 Georges de Calleville fut fait Capitaine de Montlhery. Jean Roterf l'étoit en 1418. Jean Le Baveux, Ecuyer, l'étoit pour le Roi d'Angleterre en 1425. Simon Morhier, Chevalier, Prévôt de Paris, étoit en même temps Capitaine de Montlhery en l'an 1434 On lit ensuite à. l'an 1461 au 7 Septembre, des Lettres du Roi qui accordoient à Jean Drouin, Ecuyer, tous les revenus de la Terre de Montlhery.
A l'an 1474, [on lit] d'autres Lettres du Prince du 21 Janvier qui accordent la haute-Justice de ce lieu au sieur de Grammont. Sur la fin du regne de Louis XI, c'est-à-dire vers l'an 1480, Louis de Halwin, Chevalier, Seigneur de Brienne, fut pourvu par ce Roi de la Capitainerie du Château. Mais ce qui se passa de plus mémorable à Montlhery durant le quinziéme siécle, est rapporté par les Historiens du regne de Charles VI et Louis XI. Jean Le Fevre de Saint-Remi qui vivoit sous Charles VI, écrit que Jean, Duc de Bourgogne, qui à son retour de Picardie en 1417 avoit pris plusieurs Villes, voyant qu'il ne pourroit pas se rendre maître de Paris, quitta ce lieu : il étoit campé à une lieue de la Ville. Il vint assiéger Montlhery au commencement d'Octobre. Il est resté une Lettre de lui datée du 8 de ce mois du Camp de Montlhery. Les habitans promirent de lui rendre la place dans la huitaine, parce qu'ils espéroient du secours de la part du Roi mais comme il n'en vint point, ils se donnerent en effet à ce Prince. Le Duc de Bourgogne ne jouit pas long-temps de Montlhery. Tannegui du Chastel, Prévôt de Paris, envoyé par le Connétable, ayant mis le siége devant cette Ville au mois de Janvier, la reprit sur les Bourguignons : les uns disent que ce fut par traité d'argent; d'autres marquent simplement que ce fut par composition. Le Duc de Bourgogne étant entré dans Paris en 1418, se servit de l'occasion d'une émeute populaire pour envoyer de nouveau six mille habitans reprendre Montlhery et Marcoucis, sous la conduite du Seigneur de Cohen avec du canon. Montlhery fut encore plus célebre par la bataille qui s'y donna le Mardi 16 Juillet 1465, dans le temps de la guerre du Bien Public qu'entreprit contre le Roi Louis XI, Charles, Duc de Berry, son frere, aidé du Duc de Bourgogne et de plusieurs autres Princes. Le Comte de Charolois leva des troupes, et ayant pris le titre de Lieutenant Général du Duc de Berry, il s'avança vers le font de Saint-Cloud, puis se plaça à Longjumeau pendant qu'il avoit envoyé le Comte de Saint-Pol à Montlhery. L'armée du Roi qui étoit du côté de Châtres, rencontra celle du Comte de Charolois d'abord sans dessein de se battre, parce qu'ils attendoient du renfort de part et d'autre. Une très-petite partie des troupes du Roi venue par le chemin de Châtres arrivoit déjà dans Linas, lorsqu'ils furent repoussés par les Bourguignons qui avoient en outre rempli de gens de trait une maison à l'entrée de Montlhery, et qui mirent le feu à une maison afin que la fumée poussée sur les François les décourageât. Les troupes des Bourguignons placées à Longjumeau s'avançant ensuite, les François revinrent une seconde fois et se camperent du côté du Château dont la garnison tenoit pour eux, pendant que les Bourguignons étoient retranchés dans Montlhery. Il y avoit entre les deux armées un long fossé bordé d'une haye épaisse. Les François arrêtés par cet obstacle allerent aux ennemis par les deux bouts du fossé et de la haye : les Bourguignons se partagerent aussi en deux pour les repousser; et enfin les troupes des deux partis étant à portée, la bataille fut donnée, selon quelques-uns, dans une petite plaine qui est entre Montlhery et Longpont, et qui est encore appellée dans les Terriers et Titres du pays, le Chantier du Champ de bataille; et selon d'autres, dans la plaine vers le grand chemin de Paris. Le Comte de Charolois manqua trois fois d'être tué. Les François qui l'avoient arrêté furent obligés de quitter prise. Le Roi étoit demeuré en sûreté derriere le fossé et la haye, de sorte que les Bourguignons n'ayant plus d'Archers n'oserent l'attaquer. Cependant il crut devoir à la faveur de la nuit se retirer à Corbeil, pendant que ses "ennemis appréhendoient qu'il n'eût reçu du secours de Paris. Le Comte de Charolois se regarda comme victorieux, parce que le champ de bataille lui étoit demeuré. Les François y perdirent plus de Noblesse que les Bourguignons, mais aussi ils firent les prisonniers les plus considérables. Il y eut deux ou trois mille hommes tués à cette bataille, tant de part que d'autre. Gaguin écrit que les morts étoient en plus grand nombre parmi les Bourguignons. Ils les enterrerent sur le bord du grand chemin, dans un champ qui depuis est demeuré inculte, jusques vers l'an 1740, et est appellé le Cimetiere des Bourguignons. Il est situé au bout du cimetiere de la Ville. Morin a cru que les François furent inhumés dans ce dernier. Le Comte de Charolois resta encore un jour dans Montlhery sans y permettre aucun désordre. Il ne somma pas même de se rendre la garnison du Château.
Dans le siécle suivant, l'an 1514 Jean de la Rochette avoit le titre de Capitaine de Montlhery. Mais en 1529 le Roi cessa d'y nommer un Capitaine : cette Terre fut une de celles que François 1er donna cette année-là au mois d'Avril à François d'Escars, Seigneur de la Vauguyon, en récompense des terres qui lui appartenoient et qui avoient été cédées à l'Empereur par le Traité du 5 Août précédent. En 1540 les habitans de Montlhery obtinrent du même Roi des Lettres datées d'Anet au mois de Juillet, qui leur permettoient de clore de murs leur Bourg. Ils avoient exposé dans leur requête qu'il s'y tenoit des Foires outre deux Marchés par semaine; que le Prévôt de Paris et les Conseillers du Châtelet y venoient souvent tenir leurs Assises. Vers ces temps-là le titre de Prévôt de Montlhery étoit possédé par Geoffroy le Maître, qui mourut le 30 Juillet 1545, et qui est inhumé à Paris en l'église de Saint-André. En 1540 il y eut plusieurs Lettres accordées à François Olivier, Chancelier de France, par le Roi Henri II concernant Montlhery. Par celles datées de Moulins au mois d'Octobre, il lui est permis d'acheter tous membres et portions aliénées de la Châtellenie de Montlhery, Justice et Jurisdiction d'icelle. Par les autres qui furent données à Châtillon-sur-Loire le 3 Novembre, il lui est accordé de pourvoir à tous les Offices de la Châtellenie par lui acquise du Roi sous faculté de rachat, et aussi aux Bénéfices du Château. Il y a à la Bibliotheque du Roi une espece de Cartulaire ou papier Censier dressé en vertu de Lettres-Patentes de la même année 1548. C'est un recueil de reconnoissances de cens sur des Maisons de la ville de Montlhery, pour le Roi comme Seigneur du lieu. Quelques-uns (Lancelot) écrivent que François de Balzac, Seigneur d'Entragues, étoit Comte de Montlhery, Baron de Boissy vers les années 1550 ou 1560. Pendant les guerres des Religionnaires en 1562, Montlhery fut pris par le Prince de Condé qui étoit à leur tête. Quelque temps après ces troubles, cette Ville rentra sons la domination de nos Rois, et elle y est toujours demeurée depuis. Il y a seulement eu en divers temps des Seigneurs Engagistes. Vers l'an 16.... le Cardinal de Richelieu s'en étoit rendu adjudicataire comme d'une Seigneurie Domaniale. Mais Louis XIII la retira de ses mains en 1629, en lui faisant donner pour son remboursement la somme de quatre-vingt-quatre mille trois cent quatre-vingt-sept livres seize sols, et joignit cette Terre à l'appanage de Gaston-Jean-Baptiste, Duc d'Orléans, son Frere sous le titre de Comté, ou, selon Du Puy, Sa Majesté l'unit et incorpora au Duché de Chartres, pour être tenu par ce même Duc aux mêmes titres et charges de son appanage. La Seigneurie de Montlhery étoit revenue au Domaine par la mort de ce Duc arrivée sans hoirs mâles le 2 Février 1660 mais Marguerite de Lorraine, sa veuve, obtint le 19 Juin 1662, des Lettres-Patentes qui lui en accordoient l'usufruit. Quelques Mémoires portent que Guillaume de Lamoignon, Premier Président au Parlement de Paris, mort en 1677, avoit été Seigneur Engagiste de Montlhery sur le pied que l'avoient été quelques Seigneurs de Marcoucies. Enfin ce Domaine a été en dernier lieu engagé à Jean Phelipeaux, Conseiller d'Etat, moyennant la somme de soixante mille livres, par contrat du 18 Juillet 1696. M. Jean-Louis Phelipeaux son fils, surnommé le Comte de Montlhery, en est aujourd'hui Seigneur Engagiste. Ce Domaine vaut environ quatre mille livres de rente, sur quoi il y a des aumônes à acquitter (1).
Le Comté de Montlhery releve en plein fief de la grosse tour du Louvre.
Je trouve en divers titres les Prévôts suivans : Michel Gauteru en 1313. Etienne Guepin en 1406. Geofroi le Maitre en 1580.
Il y a aujourd'hui dans Montlhery sept [dix] Seigneurs Censiers, qui sont :
M. Phelipeaux, Seigneur, Haut-Justicier et Engagiste pour le Roi.
Les Chanoines de Linois.
Les Religieux Célestins de Marcoucies.
Les Religieux Bénédictins de Longpont.
Le Seigneur de Villebouzin, Cessionnaire de l'Abbaye des Vaux-de-Cernay.
Le Commandeur du Déluge.
Le Seigneur du Plessis-Sebeville.
Le Prieur de Saint-Pierre et Saint-Laurent de Nlontlherv.
Le Seigneur du fief de Fromont-près-Ris.
Et le Seigneur du fief de Guillerville.
Tous ces Seigneurs sont fieffés censitaires dans Montlhery et y ayant censive.
Je crois que cela vient des maisons que nos Rois avoient données à tels ou tels, ou le fonds pour y bâtir, les fours, etc. J'en trouve onze dans le Cayer de Philippe-Auguste. Les Vaugrigneuse sont ceux qui en avoient le plus. Guillaume de Guillerville y avoit une maison.
Je trouve en 1750 un Pommereux ou Pommiers, fief au-dessous de Montlhery, dont en 1533 fut pourvue Jeanne de Bertlon, veuve Mathurin Bohier, qui rendit hommage à l'Evêque de Paris.
Il y a dans la Ville 251 feux, suivant le Dénombrement de I'Election de Paris fait en 1709. Celui que le Sieur Doisy a publié en 1745 n'en marque que 242. Le Dictionnaire universel de la France imprimé en 1726 y marque 1092 habitans, et le Mémoire Historique donné dans le Mercure de France en 1737 dit qu'il y en a environ 1100. Ce Mémoire de M. Boucher d'Argis, Avocat en Parlement, m'a beaucoup servi dans cette présente Description pour ce qui regarde le Temporel.
L'article des dixmes de Montlhery fait un cas particulier et ne doit point être joint à ce que je dirai de la Cure. Les Religieux du Prieuré de Longpont, quoique non Curés primitifs, obtinrent en 1719 au Parlement un Arrêt qui condamne les habitans de Montlhery à leur payer les dixmes, outre les cinq sols par arpent qu'ils payoient à ce Prieuré. Le Dictionnaire des Arrêts observe à ce sujet que M. le Maître, Conseiller au Parlement, partage avec ce Prieuré la dixme sur Montlhery, à cause de sa Seigneurie de Bellejame.
(1). On lisoit autrefois dans le Livre rouge de la Chambre des Comptes, qui contenoit [des titres] depuis 1290 jusqu'en 1336, une confirmation de treize livres parisis de rente due sur la Terre de Montlhery aux Religieuses de l'Abbaye de Villiers, proche la Ferté-Alais. (Memor. Cam. Comput.)
Présentation de l'ouvrage
I - Introduction
II - Thibaud
III - Les chevaliers
IV - La bataille
V - Les églises et chapelles
VI - Autres remarques
|