Montlhéry, cité millénaire.
Aujourd'hui :
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Montlhéry sous Henri IV, d'après Claude Chastillon (4)
Par Jeannine GAUGUÉ-BOURDU - Bulletin monumental 1981
Introduction
Historique
Commentaire ponctuel des gravures
Commentaires centrés sur la gravure
22
Commentaires centrés sur les gravures
jumelées
Problème des proportions
Conclusion
Références
Commentaires centrés sur la gravure
22
Fig. 5 - Plan de Montlhéry.
Les flèches indiquent les angles de vue de Chastillon
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Il a semblé intéressant de déterminer l'endroit
d'où opérait Chastillon, c'est-à-dire de situer le
plus exactement possible son angle de vue. L'hypothèse la plus immédiate
pouvait être le clocher de l'église, endroit propice pour
offrir une bonne vue du château et qui apparaît dans le prolongement
d'une ligne superposant, comme sur la gravure, la tour dite " brûlée
" (nord ouest) et le donjon. Cependant, un examen plus attentif sur
place montre que le sommet de l'angle de vue se situerait un peu plus à
l'est (fig. 5), à
l'emplacement de l'actuelle maison de retraite de Montlhéry. Cet
hospice est une extension du vieil Hôtel-Dieu de Louis VII dont une
partie subsiste. L'hospice a été construit récemment,
dans le même enclos, à la place de bâtiments vétustes
utilisés comme écoles (25). La figure
6 est un montage photo-gravure; la photo est prise du deuxième
étage de l'hospice, au lieu présumé où se trouvait
Chastillon. Malgré les arbres qui masquent les détails, on
retrouve sur la photographie tous les éléments de la gravure
:
Fig. 6 - Photo-montage comprenant
une vue prise de l'hospice comparée à la gravure de Claude
Chastillon (même angle de vue)
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a) Le donjon (cf. A sur la gravure). Il se dresse
à l'extrémité du promontoire, élevé
et massif. Son diamètre, identique sur les images superposées,
semblerait confirmer l'exactitude de la situation présumée
du dessinateur. Les mâchicoulis sur consoles sont bien notés.
La tourelle de l'escalier en vis, relais de l'escalier mural, est appuyée
sur cul-de-lampe; elle est accrochée en plein centre du donjon sur
la gravure comme sur la photo témoin. Celle-ci, rend cependant,
plus justement la partie extérieure plate de la tourelle. La bretèche
au dessus de la courtine sud mérite une observation particulière.
V. A. Malte-Brun semble s'être trompé à son propos.
Je cite (26) . " On trouve dans la Topographie française
de Claude Chastillon trois vues qui sont les plus anciennes que l'on connaisse
du château de Montlhéry " ce qui, au demeurant,
est inexact puisque la gravure de Hoefnagel leur est antérieure.
il poursuit " Ces trois vues, sauf une erreur évidente
de l'auteur dans la première (" Chasteau et antiannie ruisne
de Monthellry ") donnent une parfaite idée de ce qu'était
la forteresse féodale vers 1610".
Fig. 7 - Gravure du château
de Montlhéry.
D'après Claude Chastillon et reproduite par V.A. Malte-Brun
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Malte-Brun corrige " l'erreur " en produisant
une gravure " d'après " Chastillon où
la bretèche a disparu (fig.
7). Or, il suffit de se rendre sur les lieux pour constater que cette
bretèche a bel et bien existé : des traces d'arrachement
sont visibles (fig. 8),
non seulement au niveau des grandes fenêtres ruinées mais,
un peu à droite de la courtine sud, à. la verticale de celles
ci en dessous et, plus haut, jusqu'au dessus des mâchicoulis. Des
fouilles exécutées en sous-sol au droit de la bretèche
ont d'ailleurs permis de préciser sa fonction de latrines.
On remarque, sur la gravure, une maladresse dans le rendu de " l'accrochage
" de la courtine nord-ouest au bas du donjon. Un angle rentrant semble
prolonger le cul-de-lampe de la tourelle. Il est sans doute juste d'invoquer
ici l'infidélité du graveur vis-à-vis du dessin de
Chastillon.
Fig. 8 - Photographie de traces d'arrachement
et la bretèche au donjon de Montlhéry
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Fig. 9 - Photographie de la tourelle
penchée au nord-est de l'esplanade du château de Montlhéry.
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b) La tourelle nord-ouest, dite " tour brûlée
". Elle est bien en place, puisqu'elle cache la courtine qui
la relie au donjon et environ un huitième de la largeur de la grande
tour, sur la gravure comme sur la photo. Sur la photo, cependant, son propre
diamètre apparaît plus important : le problème des
proportions sera discuté plus loin.
c) La tourelle penchée. Elle marque l'extrémité
est de la courtine nord. Son inclinaison se vérifie sur la photo-témoin;
elle est très nettement illustrée sur la figure
9. Les fouilles ont révélé, sous les tours d'angle
de la façade est de l'esplanade, un étage souterrain (27).
L'inclinaison de la tourelle est-elle due dès lors, à un
tassement déséquilibré de la construction provenant
d'un affaissement de terrain ou, plus vraisemblablement, à un travail
de sape au cours des douze sièges qu'a subis Montlhéry ?
d) Le mur nord et les bâtiments adossés à la
courtine sud. Le mur nord apparaît ruiné sur la gravure
de Chastillon et arasé sur la photo de l'esplanade prise du haut
du donjon (fig. 10).
Les brèches sont surtout importantes au droit de la descente directe
sur le bourg utilisée en priorité, sans aucun doute, lors
du " transport " des pierres " empruntées "
à la forteresse.
Fig. 10 - Photographie de l'esplanade
prise du haut du donjon de Montlhéry.
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Le mur sud (cf. B sur la gravure) est encore, pour
partie du moins, en place comme le montre la photo. La gravure fait apparaître,
en avant de la courtine, une galerie à arcades séparées
apparemment par des contreforts ou des pilastres et surmontées de
combles. Il est impossible de vérifier l'exactitude de cette notation
sur le terrain. Comme l'indique la photo en plan de l'esplanade, il n'y
a plus trace, actuellement, de bâtiment accolé au mur sud.
L'éclaircissement va venir, cette fois-ci, d'un texte le procès-verbal
de la Chambre du Trésor du 23 mars 1647 cité, semble-t-il,
pour la première fois par Dulaure
(80Ko) (28). Duchalais (29), qui le mentionne
après lui, déplore que son prédécesseur n'ait
pas indiqué ses sources et se soit borné à ne recopier
qu'un fragment du procès-verbal. V. A. Malte-Brun en a vu une transcription
dans les Archives Thirouin. J'ai retrouvé une copie de ce document
important aux Archives départementales des Yvelines, dans le fonds
de Noailles (30). On sait que le Maréchal de Noailles fut le dernier
seigneur engagiste de Montlhéry qu'il " acquit par vente
et échange en 1764 " (31).
Le texte en question comprend plusieurs procès-verbaux dont le
premier seulement concerne le propos immédiat. Il a été
réalisé à l'occasion de l'adjudication du comté
et châtellenie de Montlhéry, le 3 mars 1547, à François
Olivier, seigneur de Leuville, Chancelier de France sous François
Ier et Henri II. Le 23 mars 1547, les experts royaux avaient procédé
à un constat au château de Montlhéry en vue d'y déterminer
les réparations nécessaires. Le procès-verbal est
retranscrit dans le tome I de l'Inventaire des Titres du comté et
châtellenie de Montlhéry aux folios 19 (verso) et 20 (recto).
Ce procès-verbal indique d'abord, et cela concerne le côté
nord, " à l'un des côtés de ladicte cour
est un grand édifice appliqué, à deux salles, l'une
de 60 pieds et l'autre de 30 pieds de long, de 22 pieds de large et dont
les murs ont six pieds d'épaisseur ". Les murs arasés
sont bien visibles sur l'esplanade du château ; les mesures relevées
sur le terrain sont sensiblement identiques à celles du texte si
ce n'est une différence de 3 mètres sur la longueur (16m50)
de la grande salle ; elle correspond sans doute à une erreur du
copiste transcrivant 60 pieds au lieu de 50 (1 pied = 0m33). On voit encore
la base de deux des colonnes qui soutenaient l'étage supérieur,
chambres ou greniers, dont la toiture s'appuyait sur la courtine nord.
A l'époque de Chastillon, ce bâtiment avait été
démantelé, en priorité sans doute, étant plus
proche du bourg.
Le texte énonce ensuite : " De l'autre côté
de ladicte cour, des galeries sur les avant-murs pour servir à aller
à couvert le long des allées des dictes galeries ".
Ainsi, on peut avancer avec certitude que la notation de Chastillon est
pleinement justifiée. Il n'a représenté ici que le
bâtiment adossé et non la courtine sud; nous donnerons plus
loin (e) des précisions à cet égard.
e) La façade est du château et le rabattement
de la courtine sud (cf. C sur la gravure). L'entrée
constitue un véritable châtelet où l'on pénètre
par une porte en ogive dont les chambranles et les claveaux sont en gros
appareil. Cette porte est tout à fait compatible avec la description
des experts dans le procès-verbal mentionné ci-dessus : "
la porte d'entrée dudict château... avec... voûtes
pour le logis de ladicte porte ". Ici encore les textes viennent
appuyer l'authenticité de la notation.
En plan (fig. 10),
l'entrée est bien centrée dans l'axe du donjon; elle est
flanquée de deux portions égales de courtines et d'une tour
à chaque angle de la façade. Nous retrouvons porte, murs,
tourelles sur la gravure (fig.
2) ; les lois de la perspective sont respectées puisque le diamètre
de la tourelle sud-est et la largeur du mur qui la sépare du châtelet
sont moindres que leurs symétriques nord-est. Au-delà de
la tour d'angle sud-est, la gravure montre encore deux pans de murs qui,
de chaque côté d'une troisième tourelle, prolongent
la façade en direction de l'édifice signalé en D.
Le dessin de Chastillon ne se comprend ici, que si nous admettons l'hypothèse
d'un rabattement de l'enceinte sud déployée en largeur à
la suite de la tourelle de l'angle sud-est. La gravure de " Monthellry
en son aspeq méridional " (fig.
1), où la courtine sud (B) apparaît porteuse d'échancrures
similaires confirme le bien-fondé de l'hypothèse. Chastillon
semble, d'ailleurs, nous mettre sur la voie lorsque, avec beaucoup de rigueur,
ayant rabattu l'enceinte méridionale entre la façade est
et l'édifice figuré en D, il s'abstient de figurer,
en B sur la gravure 22 ce mur sud derrière la galerie ; la
gravure du bourg montre bien que celui-ci s'élève encore,
à l'époque, nettement au-dessus des bâtiments qui s'y
appuient.
L'aspect étrange de la gravure au niveau de la façade est
de l'esplanade ne met donc aucunement en cause la fiabilité de Chastillon,
au contraire. Il s'explique par la volonté du dessinateur de montrer
toutes les faces de la forteresse de Montlhéry, c'est-à-dire
de la faire apparaître sous trois angles différents la fois.
f) La chapelle Saint Louis (cf. D sur la gravure).
Elle est signalée par de nombreux auteurs (32) qui la situent à
gauche, dans l'avant-dernière cour de la forteresse. La photo confirme
cette notation (fig.
10) : à l'arrière-plan droit, les murs de la chapelle,
récemment dégagés, sont encore bien visibles aujourd'hui.
Ils témoignent d'un petit édifice (15 m x 8 m) orienté
nord-sud, à une seule nef et implanté, comme l'indique Chastillon,
de l'autre, côté du fossé que franchit le pont actuel,
autrefois pont-levis. La dévastation de cette chapelle pourrait
être intervenue dès 1562, comme nous l'avons vu dans l'exposé
historique. L'édifice est sans toit et des brèches sont visibles
aux deux murs pignons figurés sur la gravure 22 (fig.
2). Chastillon dessine une fenêtre en ogive trilobée dans
le mur pignon sud, ce qui date la construction. Ce mur est dégagé
par le rabattement, sur la gauche, du mur pignon nord suivant un procédé
voisin de celui qu'emploie le dessinateur à la façade est
du château. On y devine une ouverture de même style qu'au pignon
sud. Les murs latéraux sont escamotés ; seul le mur ouest
apparaît en coupe sur la droite de l'édifice. Il faut donc
se reporter à la vue méridionale (fig.
1) du château pour trouver en D la notation des murs latéraux
qui complète la représentation de la chapelle. Chastillon
a, pour ce faire, fait pivoter l'édifice de 90 degrés sur
la droite.
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